Comment évaluer , synthétiser et rendre accessible la somme d’études scientifiques sur un domaine aussi complexe que le climat et faire adopter le résultat de ces travaux par les représentants des gouvernements des 194 États membres ? C’est ce pari ambitieux et « un peu fou » que relève le Giec depuis sa création en 1988 en publiant régulièrement des rapports d’évaluation sur l’évolution du climat. Peu après la publication du 4e rapport d’évaluation, le Giec s’est tourné vers la communauté scientifique afin de repenser un jeu différent de scénarios pour l’élaboration de son 5ème rapport (AR5) . Ce dernier sera livré en quatre étapes d’ici à 2014, mais dès la fin de ce mois de septembre, le premier volume sur les éléments scientifiques sera rendu public ; le deuxième sur les impacts, les vulnérabilités et l’adaptation en mars 2014 et le troisième sur l’atténuation du changement climatique en avril 2014. Le rapport de synthèse de l’ensemble des volumes viendra boucler la publication en octobre 2014.
Un mode de fonctionnement qui confère à ses travaux les plus grandes objectivité et fiabilité possibles
Astrophysiciens, océanographes, hydrologues, météorologues, biologistes, agronomes , physiciens, économistes, démographes et autres experts reconnus dans le domaine de la santé ou des sciences sociales sont ainsi sollicités pour produire les Rapports d’évaluation du GIEC. Chaque rapport est divisé en 3 volumes eux mêmes séquencés en chapitres correspondant à des domaines particuliers et dont la rédaction est confiée à plusieurs centaines d’auteurs et de correcteurs ( 830 pour la totalité de l’ AR 5) . Les auteurs des trois Groupes de travail chargés de rédiger un Rapport d’évaluation fondent leurs analyses sur les publications scientifiques les plus avancées internationalement reconnues. Le résultat de ce travail de compilation éclairée, qui représente plusieurs milliers de pages, subit alors une batterie d’examens consécutifs, à commencer par un premier passage devant une équipe d’experts ainsi que des spécialistes désignés par les gouvernements et des organisations internationales. La deuxième mouture du résumé pour décideurs du rapport est ensuite réexaminée par les gouvernements sous le contrôle de l’équipe d’auteurs scientifiques, avant d’établir une version définitive qui devra rendre compte non seulement des points de vue consensuels, mais aussi des points de vue contradictoires sur les sujets qui font débat. C’est ce rapport final (constitué du résumé pour décideurs, du résumé technique et du rapport extensif) qui est adopté au cours d’une assemblée plénière et qui deviendra alors une publication officielle du GIEC. Durant cette séance plénière, un résumé destiné aux décideurs politiques est, quant à lui, discuté et approuvé mot à mot , avant d’être adopté à l’unanimité par les représentants de tous les Etats membres.
Les nouveaux scénarios du cinquième rapport d’évaluation du GIEC
Pour analyser le futur du changement climatique, le GIEC a raisonné sur la base de scénarios partagés, dit SRES (Special Report on Emissions Scenarios) qui mélangeait données climatiques et données socio économiques . Ainsi jusqu’au quatrième rapport, l’analyse était menée en suivant une logique linéaire. La réflexion partait d’un faisceau de "futurs possibles" pour nos sociétés, intégrant une vaste palette de déterminants (évolutions des économies, offre technologique, choix énergétiques, démographie, comportements individuels.. ). Mais pour l’élaboration du cinquième rapport, climatologues et économistes ont travaillé de façon parallèle et non plus séquentielle. La communauté scientifique a donc appliqué une méthode différente en découplant pour le volume 1 les scénarios climatiques des scénarios socio economiques, avec pour principale conséquence la possibilité de prendre en compte l’évolution différenciée de déterminants socio-économiques plus nombreux. Les scientifiques du climat ont ainsi défini a priori quatre profils représentatifs d’émissions de gaz à effet de serre, les RCP (Radiative concentration pathways). À partir de ces profils de référence, les équipes ont travaillé simultanément et en parallèle : les climatologues produisant des projections climatiques utilisant les RCP comme entrée, tandis que les socio-économistes élaborent des scénarios socio-économiques (SSP) débouchant sur des scénarios d’émissions, qui sont comparés aux RCP. Dans le cadre de ces constructions socio-économiques, les stratégies adaptation aux impacts ( Volume 2) et de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Volumes 3 ) sont représentées pour la première fois dans les projections.
Ces RCP sont des profils de référence de l’évolution du forçage radiatif (déséquilibre énergétique du à l’apport de gaz à effet de serre anthropique) sur la période 2006-2300. Les simulations climatiques intègrent de manière plus complète les mécanismes qui régissent le climat (contributions de la banquise et de la végétation, impact de la chimie des aérosols …) - Au final, le nombre total de modèles augmente : de 15 groupes et 23 modèles pour l’AR4, une cinquantaine de modèles dont deux français (CNRM-CM5 et IPSL-CM5 ) mis en œuvre par 23 groupes dont sept européens ont été utilisés pour le cinquième rapport .
Les SSP (Shared socio-economic opathway) peuvent être utilisés pour évaluer des politiques sur le changement climatique. Pour cela, les SSP couvrent une large gamme de futurs possibles, en se répartissant selon deux axes : l’un représentant la capacité d’adaptation des sociétés au changement climatique, l’autre représentant leur capacité à atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Cinq scénarios-types ont été retenus : scénario de haute capacité d’adaptation et haute capacité d’atténuation ; capacité d’adaptation et d’atténuation moyennes ; faibles capacités d’adaptation et d’atténuation ; faible capacité d’adaptation et haute capacité d’atténuation ; forte capacité d’adaptation mais faible capacité d’atténuation
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