N°22. Janvier 2021
 

Edito

RE2020 : éco-construire pour le confort de tous

« Les bâtiments, du fait de leurs consommations d’énergie mais aussi de la façon dont nous les construisons, représentent une part conséquente des émissions de gaz à effet de serre en France. Grâce à la réglementation environnementale 2020 nous accélérons la décarbonation de ce secteur en agissant sur la phase de construction qui, pour un bâtiment neuf performant, représente entre 60 % et 90 % de son impact carbone total. D’ici 2030, la réglementation fera baisser cet impact de plus de 30 %. »

C’est par ces mots que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a introduit la conférence de presse de présentation de la future Réglementation environnementale qui transformera durablement l’acte de construire dans les décennies à venir.

Dans la recherche de la neutralité carbone pour le secteur du bâtiment, les solutions de recyclage et de réemploi vont devoir prendre une place toujours plus grande pour aider la filière à atteindre cet ambitieux objectif.

  • Recyclage des bétons et granulats pour réduire l’extraction de matière première.
  • Réemploi des terres d’excavation pour la construction en terre crue.
  • Filière territoriale de réemploi qui réunit les acteurs de la déconstruction sélective, de la logistique et de la mise en œuvre de ces matériaux.
    Toutes ces solutions sont présentées dans ce premier numéro de la lettre de la construction durable de l’année 2021.

Je profite de cette publication pour vous souhaiter à tous une très belle année pleine de constructions exemplaires et décarbonées.

Manuelle Seigneur.

A la Une

Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) : enjeux pour le bâtiment

Avec ses 46 millions de tonnes de déchets par an, le bâtiment porte de grands enjeux en matière d’économie de la matière.
La loi AGEC vise une meilleure gestion de ces déchets par le biais de trois dispositifs :

  • Obligation étendue du diagnostic déchets.
  • Amélioration de la traçabilité.
  • Responsabilité des producteurs avec l’étude de préfiguration d’une filière REP (Responsabilité Elargie des Producteurs).

Le diagnostic déchets qui n’était jusque là réservé qu’aux seules démolitions concernera désormais aussi les réhabilitations d’ampleur "dont le montant est supérieur à 25% de la valeur vénale des bâtiments réhabilités", avec un dispositif visant à éviter des opérations de "saucissonnage" par tranches de plusieurs démolitions ou réhabilitation de bâtiments "qui permettraient de se soustraire à l’obligation de diagnostic déchets".
La loi AGEC, dans son article 51, tient également à stimuler la montée en compétence des professionnels qui élaboreront ce diagnostic.
Le décret d’application de cette mesure qui est en consultation publique, prévoit en particulier, que "cette personne devra disposer de compétences en matière de techniques du bâtiment, d’économie de la construction et de gestion des déchets".

Valoriser la terre et le béton

Construire en béton recyclé

À Chartres (Eure-et-Loir), la résidence "Le Onze", petit collectif de douze logements, est le premier immeuble de France à utiliser un béton composé de granulats recyclés. La société Poullard, à l’origine de ce procédé, a reçu l’appui du Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cerib).
Le granulat réutilisable, ajouté au ciment, entre dans la composition d’un béton qui répond à la norme EN206. Cette norme permet depuis 2014 l’introduction de 20 à 30 % de granulats recyclés dans les bétons mis en oeuvre in-situ. Cette possibilité proposée par la norme est encore largement sous utilisée. La part de granulats recyclés est estimée à seulement 10% de la production nationale totale de granulats.
Philippe Francisco, directeur adjoint Matériaux et Economie Circulaire au
CERIB évoque un autre exemple de recyclage de granulats, dans le respect des normes de construction. L’entreprise CMEG a valorisé des poteaux électriques en béton pour réaliser des éléments préfabriqués de mur en béton armé (NF EN 14992). Sur ce projet, 400 t/an de granulats sont recyclés (sur 6 000 t/a de granulats nécessaires), sans qu’il n’y ait de baisse de l’ouvrabilité ou de la résistance du béton et avec un équilibre financier respecté.

Question à Philippe Francisco
Est-ce que les normes évoquées précédemment imposent un minimum de granulats recyclés ?
Dans les textes normatifs, on ne voit pas d’obligations minimales car les territoires manquent encore beaucoup de plateforme de stockage de granulats à recycler à proximité des unités de production du béton. Les granulats utilisés pour fabriquer du béton sont des matériaux qui ne voyagent pas beaucoup, une 50 aine de km dans la plupart des cas. Nulle doute que l’ensemble des initiatives actuelles qui voient la création de nouvelles plateformes favoriseront dans le futur cet usage dans la commande publique, au sein d’initiative privée, voir, pourquoi pas à terme dans les textes normatifs..

Valoriser les terres d’excavation dans la construction

Pourquoi construire en terre :
La terre, et tout particulièrement la terre d’excavation, est une ressource disponible en grande quantité et gratuitement.
En Bretagne, une étude réalisée avec la cellule économique régionale de la construction a permis d’identifier un potentiel de 6.8 milliards de m3 de volume de terre disponible pouvant permettre la construction de 88 millions de maisons conçues en bauge.

C’est également pour ses caractéristiques techniques et environnementales que la terre est un matériau d’avenir, compatible avec la RE2020. En ne nécessitant que peu ou pas de transformation, la terre n’émet pas de gaz à effet de serre et son inertie thermique et hydrique en fait un matériau de choix pour lutter contre les effets des canicules futures.

Une architecture moderne et adaptée :

Réversible : la terre est réutilisable en construction telle quel à performance équivalente
Recyclable : elle est réutilisable en construction après un traitement mécanique ou chimique.
Valorisable : elle est réutilisable avec des propriétés différentes.

La construction en terre dispose d’un fort potentiel d’intégration dans une logique d’économie circulaire.

Conditions de réussite d’un projet en terre :

  • Constituer une équipe experte et motivée.
  • Impliquer l’ensemble des acteurs très en amont.
  • Adapter la technique et l’architecture à la ressource locale.
  • Maintenir les bénéfices environnementaux, sanitaires et sociaux qu’offrent la terre crue.

Le réemploi - un cycle parfait

Accompagner les acteurs vers le réemploi des matériaux de construction

Entretien avec Christelle Dion, Cheffe de projet Economie circulaire et solidaire à OCEAN, Quentin Charoy, Co-fondateur de Solution Recyclage Bâtiment et Emmanuel Morel, Co-fondateur d’Articonnex.
Ces acteurs représentent le schéma parfait qui permet un réemploi de qualité :
• assurer un bon diagnostic des matériaux avant la dépose ;
• faire passer les messages en matière de dépose de qualité, de déconstruction sélective et de tri à la source ;
• proposer une logistique adaptée aux différents types de chantier et mailler le territoire de lieux de stockage ;
• faire monter en compétence les artisans du bâtiment, car le réemploi nécessite des professionnels d’expérience.

Christelle Dion - Comment OCEAN intervient dans la boucle du réemploi?
OCEAN est une association d’insertion par l’activité économique sur le territoire de Nantes Métropole. L’une de ses missions relève de la gestion circulaire des matériaux du bâtiment. Avec ses chantiers d’insertion, l’association accompagne les projets de démolition, notamment dans le cadre de la politique de renouvellement urbain.

Christelle Dion - C’est quoi « une dépose de qualité ?
En amont une analyse du gisement (quantité-qualité- estimation du temps- moyens- outillage - conditionnement - évacuation) est nécessaire. Cette étude permet ensuite de mieux organiser l’équipe sur le chantier (sécurité/ repérage-outillage et conditionnement sur place : identification des lieux pour stocker temporairement). Un accompagnement pour la méthode de dépose fait partie du process. Il faut bien isoler chaque catégorie de matériaux et étiqueter pour en garantir la traçabilité.

Quentin Charoy - Dans le champ du réemploi, Solution Recyclage Bâtiment est un pivot entre la déconstruction et la réutilisation : comment organisez-vous les relations entre ces multiples acteurs ?*
Nous promouvons une démarche en 4 étapes :
▪ Réunir tous les acteurs du bâtiment pour que 90% des déchets soient triés et recyclés.
▪ Dispositif de tri sur le chantier : analyse des déchets pour identifier les contenants nécessaires et adaptés (big bag, chariots…) et mise en place en proximité immédiate des compagnons. Simplification avec des dispositifs plus petits et plus nombreux. Stations de tri mobiles et collectes régulières.
▪ Regroupement des déchets au dépôt et dès que 20m3 sont accumulés, envoi vers le centre de recyclage ad hoc ou (en priorité) vers la filière de réemploi existante.
▪ Traçabilité de tous les flux permettant de quantifier les matériaux triés d’un projet mais aussi d’identifier toutes les issues de recyclage et réemploi.

Quentin Charoy - Comment garantir un tri de qualité sur les chantiers ?
Il faut déployer et démultiplier sur les chantiers, dans la plus grande proximité avec les compagnons, des éléments de stockage de petite taille et de tri des déchets qui soient intuitifs et ne nécessitent pas de guide d’utilisation.
Par ailleurs, il ne suffit pas de laisser des contenants, il est indispensable d’animer le sujet sur le chantier pour le faire vivre : féliciter quand c’est bien fait et corriger quand il y a des problèmes.

Emmanuel Morel - Pouvez-vous réemployer tous les matériaux issus des déposes ou des tris de chantiers ?
Nous ne faisons pas de réemploi sur des éléments structurels.
Tous les matériaux ne font pas encore l’objet de filières de réemploi, certains par contre en ont une depuis longtemps (radiateurs fonte).
L’objectif est de commencer par les matériaux posant le moins de difficultés afin de mettre en valeur des expériences réussies et ainsi de rassurer les usagers.

Emmanuel Morel - Qu’est-ce que le réemploi change pour l’artisan dans son quotidien professionnel ?
Le réemploi nécessite des artisans d’expérience. Il faut donc une montée en compétence des professionnels. Un travail est en cours avec le CFA BTP44 pour une inclusion de ces questions dans le cursus commun (savoir comment on fait un chantier propre, comment on produit moins de déchets, pédagogie sur le respect des matériaux…).
Les clients, si le réemploi est bien expliqué et si la confiance existe avec l’artisan – pas de problème.

La commande publique, un levier en faveur de l’économie circulaire

Des acteurs s’engagent …. Plusieurs témoignages enrichissants

Dans la programmation du webinaire du 20 novembre, RESECO, réseau d’achat public durable, a proposé des retours d’expériences, outils, enseignements, leviers …. visant à intégrer des matériaux issus du réemploi ou recyclés dans les marchés.

Lors de ce webinaire, un réseau cousin de RESECO, le réseau 3AR, a présenté son Clausier « Matériaux recyclés et de réemploi », fort de tous ces constats, il a en effet mis à disposition des acheteurs un clausier visant à préparer des dossiers de consultation favorables à l’usage de matériaux recyclés dans les bâtiments (exemples, erreurs à éviter…), cette présentation a été illustrée par l’OPHSA qui l’a mise en pratique.
La Région Bretagne a ensuite fait part de son expérience autour de la déconstruction du lycée de Lanion, qui a été l’occasion d’un état des lieux du territoire, puis de la création d’une plateforme de stockage, « véritable enjeu dans le domaine du réemploi ». Autre facteur important, la valorisation du béton avec la notion d’Upcycling, le travail avec les acteurs et notamment ici le CERIB a été souligné.
Un focus a ensuite été fait sur la déconstruction du MIN de Nantes, par la SAMOA maitre d’ouvrage délégué de Nantes Métropole, le réemploi a été au cœur ce projet avec une traduction dans les marchés.
Enfin et parce qu’il est intéressant de croiser les dispositions environnementales et sociales, O.C.E.A.N. une Association d’insertion par l’activité économique sur le territoire de Nantes Métropole et très active sur les projets d’économie circulaire, est intervenu pour faire part des conseils et accompagnements qu’elle réalise auprès entre autres des acteurs publics, elle a illustré son propos par un tout jeune Projet de construction en matériaux de réemploi d’un pôle consom’acteur – sur Blain avec le SMCNA.

RESECO met à disposition un fascicule « Commande publique et économie circulaire dans le secteur du bâtiment », fruit d’un partenariat avec le Conseil Régional des Pays de la Loire démarré en 2018 sur l’économie circulaire.

7.7 millions de tonnes

de déchets inertes

ont été produits, évacués des chantiers de construction en Pays de la Loire en 2017 et considérés comme relevant du statut de déchet. Etude CERC

Webinaire

Recyclage et ré-emploi dans le bâtiment – les conditions pour réussir la mise en œuvre

Ces sujets sont au cœur de cette matinée organisée par la DREAL en partenariat avec la Région Pays de la Loire.
Recyclage des bétons, réemploi des terres d’excavation, gestion du cycle de la déconstruction sélective à la mise en œuvre, les acteurs du bâtiment sont présents pour présenter le champ des possibles : ADEME, CERIB, Université Gustave Eiffel, Agence Qualité Construction, Océan, Solution Recyclage Bâtiment et Articonnex.

Cette matinée prend place au sein d’une journée organisée par la DREAL, la Région et le RESECO : "Réemploi et le recyclage des matériaux dans la construction"

Tous les supports de présentation ainsi que les vidéos sont disponibles sur le site internet de la DREAL.

Décryptage vidéo de la loi AGEC

Vous retrouverez un décryptage des enjeux pour le bâtiment dans une vidéo de Laurence Lebreton, chargée de mission Déchets de BTP à l’ADEME Pays de la Loire.

A suivre

Exemple de traitement des déchets du BTP à Nantes

L’écopôle de Cheviré, entré en service en début d’année 2020, sur le port de Cheviré à Nantes, à l’initiative des entreprises Suez et Charier, offre à la métropole nantaise une nouvelle capacité de traitements de 465 000 tonnes de déchets par an.
Une première plateforme accueille sur 4ha les déchets des artisans du bâtiment. Une seconde plateforme accueille les déchets produits par les grands chantiers urbains de la métropole nantaise.
Une solution de tri sous bâtiment fermé pour les matières valorisables des industriels est également prévue pour 2022.

Aceve Pro (85) informe et sensibilise les pros !

ACEVEPRO est une association qui réunit les acteurs du BTP de Vendée sur la gestion des déchets de chantiers et la valorisation des excédents de matériaux professionnels.
Elle a produit différents outils de sensibilisation à la bonne prise en compte des déchets de chantiers.
4 vidéos font le point sur :

  1. Qu’est-ce qu’un matériau inerte ?
  2. Anticiper la gestion des matériaux inertes sur le chantier
  3. Gérer le stockage des matériaux inertes
  4. Bonnes pratiques de gestion des déchets sur les chantiers du bâtiment

Une filière locale (44) autour de la terre crue

La terre excavée pour construire les logements de l’Ecoquartier "Maison Neuve" à Guérande connait une nouvelle vie. Ce matériau naturel va être réutilisé au sein même de l’écoquartier. La Sela (société d’équipement de Loire-Atlantique) travaille sur une filière locale de construction à partir de cette terre transformée en briques de terre crue. Appelé La fabrique terre, le projet est l’un des 31 lauréats de l’appel à projets « Économie Circulaire 2020 » lancé par Région, la Dreal et l’Ademe.

Les guides de bonnes pratiques pour la terre

Ces guides des techniques de la construction en terre crue sont destinés à mettre à disposition des recommandations et spécifications permettant la réalisation et l’entretien d’ouvrages en terre crue conformes aux attentes en termes de stabilité, d’usage, de pérennité, etc.
Les guides existent pour les techniques : enduits, bauge, pisé, terre allégée, torchis.

Démolition du MIN

Comment faire du neuf avec de l’ancien ?

En savoir plus sur le site de la SAMOA

Un peu +

Noria innove à St Nicolas de Redon (44)

Dans le cadre de la promotion 2019-2020 de la formation Technicien.ne Valoriste des Ressources du Bâtiment(TVRB) proposée par le centre de formation Noria et Compagnie, l’équipe de stagiaires et d’encadrant de L’écrouvis ont réalisé une expérimentation de dépose sélective qui a donné lieu à la rédaction d’une méthodologie.
"Cet exercice n’est qu’une première version d’un travail à poursuivre, à retenter de nouveau et à enrichir."
Accès au guide.

"Matière grise" phosphore à Angers (49)

Matière Grise est une association créée en 2014 dont l’objet est de développer le réemploi, la réutilisation, la récupération et en dernier recours le recyclage des matériaux du bâtiment.
Etudes, sensibilisation, conseil et récupération, les champs d’action de l’association sont nombreux. Ils ont ainsi permis la dépose et le réemploi, en 2017, de 900m2 d’un parquet de salle de sport en hêtre massif vitrifié et 400m2 de parquet de bal en pin et chêne à Merdrignac (49).
En savoir +

Les pages vertes

L’annuaire des structures du réemploi qui allient
environnement et utilité sociale en Loire-Atlantique.
Ce guide est édité à l’occasion de la Braderie des Ecossolies.

Redonner une vie aux matériaux de construction

Présentation de l’alliance Ocean, SRB et Articonnex

  (nouvelle fenetre)

Commande publique et matériaux biosourcés

Guide méthodologique

Le ministère de la Transition écologique a produit un guide qui répond de manière très précise et concrète à des questions aussi diverses que :

  • Les matériaux biosourcés sont-ils adaptés à tous types et toutes tailles de projets ?
  • Est-il possible de garantir l’assurabilité d’un bâtiment intégrant des matériaux biosourcés ?
  • La phase de programmation est-elle importante pour l’intégration de matériaux biosourcés et faut-il se faire accompagner ?
  • L’objet du marché peut-il mentionner ces matériaux ?
  • Le recours aux variantes est-il favorable à leur intégration ?

Mentions d’édition

 

Directrice de la publication : Manuelle Seigneur, cheffe du Service Intermodalité, Aménagement et Logement de la DREAL des Pays de la Loire.

Rédactrice : Céline Lemasson, chargée de mission "Qualité de la construction".