N° 56 - automne 2016 : Agriculture urbaine
 

Le mot du bureau

Le mot du bureau

« Bonjour,

Penser la ville ne peut se concevoir sans penser l’alimentation de ses habitants.

Logistique urbaine, circuits courts, agriculture urbaine et biologique, santé et qualité de vie, « nourrir la ville » fait converger de multiples enjeux au cœur des problématiques de l’aménagement du territoire.

Nous avons souhaité mettre l’accent dans ce numéro de la lettre ÉcoQuartier sur l’agriculture urbaine, levier de développement urbain durable que les collectivités commencent à s’approprier, à l’image de Mouans-Sartoux, pionnière en la matière. Le sujet n’est pas nouveau, mais prend aujourd’hui une ampleur nouvelle, soutenue à différentes échelles :

à l’échelle de proximité, les jardins familiaux constituent une première approche –pédagogique- de l’(agri)culture urbaine

à l’échelle du quartier, voire de la collectivité, l’aménagement des territoires autour de systèmes alimentaires locaux et durables peut s’appuyer sur certains réseaux, dont l’IUFN (International Urban Food Network) fait figure d’exemple et aide au partage des bonnes pratiques.

Les services déconcentrés de l’État et les collectivités en font l’expérience au quotidien, les bonnes pratiques s’expérimentent d’ailleurs au mieux sur le terrain, lors de séances d’échanges et de partages, qui peuvent prendre des formes diverses, de la visite d’étude à l’évaluation, et associer les élus comme les citoyens.

Merci aux contributeurs de cette lettre et bonne lecture à tous,

L’équipe du bureau AD4
DGALN

Point sur :

Mouans-Sartoux, une collectivité engagée en faveur de l’alimentation durable.

La commune de Mouans-Sartoux (10 000 habitants), dans le Pays de Grasse, a décidé depuis 2008 de construire un projet alimentaire intégré et inédit à l’échelle de la ville. Aujourd’hui les cantines scolaires proposent des repas 100 % bio et local, produits en grande partie dans la commune (80 % pour les légumes). Une régie municipale agricole de 4 hectares emploie deux agriculteurs et produit 22 tonnes de légumes bio par an. Les enfants sont sensibilisés au tri des déchets et aux enjeux du gaspillage alimentaire, ce qui a permis de le réduire de 80 % en 5 ans.

Mais la collectivité ne souhaite pas s’arrêter là. La ville s’est engagée dans le programme européen URBACT qui organise des échanges d’expériences entre villes européennes pour encourager un développement intégré et durable ; Mouans-Sartoux participe ainsi au réseau « Agri-Urban » qui travaille au développement de l’agriculture urbaine dans les petites et moyennes communes en partenariat avec 10 autres communes de toute l’Europe.

La collectivité a produit dans ce cadre un plan d’action local pour le développement de l’alimentation durable, en 5 axes :

AXE1 : AUTONOMIE ALIMENTAIRE
La ville ambitionne l’autonomie alimentaire pour les cantines, les EHPAD, les entreprises et les familles de la commune en triplant la surface agricole via son PLU. Elle souhaite ensuite réinstaller 3 à 5 jeunes agriculteurs pour gérer ces parcelles où seront installées des fermes maraîchères, des vergers et la première exploitation de volailles bio de la région.

AXE2 : MODÈLE ÉCONOMIQUE
Mouans-Sartoux souhaite créer un laboratoire de transformation des légumes pour pallier aux manques saisonniers, pour créer un modèle économique pérenne, et approvisionner en bio les communes voisines.

AXE3 : ÉDUCATION A L’ENVIRONNEMENT
L’éducation à l’environnement est au cœur du projet de la commune qui a créé la « Maison d’Éducation à l’Alimentation Durable » pour accompagner habitants, associations et entreprises dans la transition vers des modes de consommation plus responsables et plus durables.

AXE4 : RECHERCHE
La commune porte la création d’une formation à l’alimentation durable avec l’INRA d’Avignon, l’Université de Droit de Nantes et l’Université Nice Côte d’Azur. Cette formation, à destination des étudiants et des élus sera hébergée par la Maison d’Éducation à l’Alimentation Durable.

AXE5 : MUTUALISATION
Dans le cadre d’URBACT, et dans un objectif général de partage d’expériences et de diffusion des bonnes pratiques liées à l’alimentation durable, la ville souhaite organiser un cycle de conférences et de colloques.

La commune de Mouans-Sartoux, pionnière dans le développement de Projets Alimentaires Territoriaux Durables, est susceptible d’inspirer toute collectivité qui souhaiterait se lancer dans le développement d’une alimentation durable pour ses habitants.

Témoignage :

Marketà Braine-Supkova , Directrice, IUFN



- Qu’est ce que l’IUFN ?

L’IUFN, International Urban Food Network est une association loi 1901, plateforme internationale de promotion des systèmes alimentaires durables pour les régions urbaines, basée à AgroParisTech, à Paris.
L’IUFN vise à accélérer la transition des collectivités vers un système alimentaire local et durable, comme un nouveau paradigme de développement territorial. C’est un processus d’apprentissage progressif, un processus de conduite de changement dont le fil rouge est l’accès à l’alimentation durable pour tous.
L’association soutient concrètement cette transition positive à travers des actions de sensibilisation, par la production de connaissances nouvelles et pluridisciplinaires et enfin par des missions d’accompagnement technique des collectivités dans la construction de leur projet alimentaire territorial.

- Quelles sont les actions mises en place par les collectivités sur le sujet de l’alimentation durable ?

Une très belle dynamique se développe actuellement en France autour du sujet de l’alimentation durable. Les collectivités territoriales saisissent pleinement l’importance sociétale du sujet, mais également le potentiel qu’il représente pour un développement plus résilient de leur territoire. En effet, en partant des actions plus spécifiques et localisées comme le soutien au développement des circuits alimentaires de proximité et de l’approvisionnement en produits bio des cantines en restauration collective, les collectivités engagent de plus en plus de projets plus ambitieux, plus englobant, favorisant l’ancrage territoriale de notre système alimentaire – des projets alimentaires territoriaux (PAT). Le récent appel à projets du « Programme national pour l’alimentation » du Ministère de l’agriculture vient soutenir financièrement ce type de démarche multipartenariale, concertée et durable.

- En quoi les EcoQuartiers, français et européen, peuvent-ils être des territoires favorables au déclenchement d’une dynamique plus globale en faveur de l’alimentation durable ?

L’approvisionnement alimentaire durable des centres urbains est un défi majeur de notre siècle. L’urbanisation progressive de nos territoires, face à la diminution des surfaces des terres arables de bonne qualité agronomique pose la question de la place de la ville dans nos vies. Elle pose la question de la qualité du fait urbain, de sa correspondance avec les aspirations sociétales visant plus de durabilité et de partage, un lien plus fort avec la nature et de façon plus actuel, un lien retrouvé avec la production alimentaire.
Les écoquartiers, préfigurations de la ville de demain, représentent des laboratoires pour expérimenter de nouvelles manières d’y vivre mais également de s’y nourrir. En effet, préparer la ville de demain demande d’anticiper également sa résilience alimentaire dans les opérations urbaines d’aujourd’hui. Les écoquartiers sont donc une opportunité majeure pour relever le défi de l’alimentation durable de nos villes.

- Comment envisagez-vous l’accompagnement des collectivités qui souhaitent s’impliquer dans des Projets alimentaires territoriaux ?

Pour une collectivité, engager un Projet alimentaire territorial signifie dans la plupart des cas de faire évoluer sa manière de travailler à la fois en interne et en externe vis a vis les différentes parties prenantes de son territoire (institutionnels, secteur privé, société civile…). Cela se traduit essentiellement par une approche plus transversale des politiques locales et d’avantage de concertation dans la prise de décisions. Cette évolution ne va pas toujours de soi et nécessite de la sensibilisation, voir une certaine acculturation des différents agents concernés.
L’accompagnement que l’IUFN propose aux collectivités est très opérationnel. Il part d’une très bonne connaissance de son territoire – publics, potentiel de production, demande alimentaire, acteurs en présence, initiatives déjà engagées, etc. pour définir à partir de cette réalité des enjeux structurants d’un Projet alimentaire pour ce territoire. En effet, pour s’assurer de la cohérence et de l’efficacité finale de son action, chaque collectivité doit s’intéresser à sa propre réalité alimentaire territoriale et identifier un plan d’action en fonction. C’est une démarche qui se construit dans le temps, c’est important de l’intégrer. La collectivité reste maître et porteur de son projet alimentaire territorial avec l’IUFN comme partenaire technique, apportant un soutien concret à la maîtrise d’œuvre.

Brèves

<U> Brève sur </U> : Les jardins familiaux et collectifs réinvestissent les cœurs de ville

Plus de 20 ans d’expertise dans la conception et la gestion de jardins : le bureau d’études de la Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs www.jardins-familiaux.asso.fr

Le bureau d’études de la Fédération intervient sur l’ensemble du territoire répondant aux sollicitations des porteurs de projets que sont les collectivités locales, les bailleurs sociaux et autres promoteurs. Cette expérience lui confère une capacité unique d’anticipation des besoins et une pertinence sur les solutions à apporter.

Le bureau d’études a contribué fortement à l’émergence du nouveau visage des jardins familiaux. Ces derniers réintègrent leur juste place au cœur des équipements urbains, comme lieux de convivialité, d’échanges sociaux et de préservation des continuités écologiques au sein des trames vertes.

Les projets valorisent donc la dimension sociale par une approche spatiale novatrice incitant à la rencontre de tous les acteurs de quartiers et pas au seul profit des jardiniers bénéficiaires. Les aménagements s’attachent à réduire au maximum l’impact environnemental et paysager en prescrivant l’utilisation de matériaux naturels et issus du réemploi local, la maîtrise de la consommation en eau, la suppression des produits phytosanitaires et la valorisation des déchets verts organiques.

Contact : f.roubinet@jardins-familiaux.asso.fr


<U> Brève sur </U> : Visites de terrain d’aménagements durables dans l’Hérault


19 élus des Pyrénées-orientales ont visité l’ÉcoQuartier de Prades-le-lez, et l’aménagement du centre-bourg de Vic la Gardiole, dans l’Hérault, le 06 septembre dernier, à l’initiative de la DDTM 66, en partenariat avec le CAUE 66 et l’agence d’urbanisme catalane (AURCA).A Prades-le-lez, les élus ont été accueillis par le maire, M. Jean-Marc Lussert, et son équipe municipale. Ils ont ainsi pu découvrir le quartier labellisé EcoQuartier en 2014, qui se distingue notamment par des formes urbaines alliant densité et intimité, une large place accordée aux piétons, un mélange d’architecture contemporaine et d’identité villageoise donnant envie d’habiter les lieux, mais aussi une végétalisation des espaces et une mixité sociale réussie. Un quartier nouveau, bien en lien avec le reste du village et ayant fait corps avec le site dans lequel il s’inscrivait.

Les élus ont également découvert l’aménagement de la traversée de village de Vic-la-Gardiole.
La méthode adoptée pour définir le projet, exposée par Mme Sylvaine Glaizol, du CAUE 34, et M. Hervé Piquard, du bureau d’études Atelier sites, a consisté à déterminer en premier lieu les besoins minimums à satisfaire pour permettre la circulation et le stationnement des véhicules. Une fois ces besoins fixés, l’équipe municipale, le CAUE et le maître d’œuvre, ont pu se consacrer à aménager l’espace public, en donnant la priorité à la végétation, avec la création de deux alignements d’arbres, et en accordant le maximum de place aux piétons, et donc à la vie locale.
Ces deux réalisations de qualité ont permis de mettre en avant le rôle de l’espace public dans un projet d’aménagement.

<U>Brève sur</U> : Évaluation nationale de l’ÉcoQuartier de Bazouges-sous-Hédé


La municipalité de Hédé-Bazouges, a participé en 2016 à une campagne-test d’évaluation de son ÉcoQuartier labellisé en 2013. Localement, la réalisation de cette étude a été confiée au réseau BRUDED.
Cette évaluation consistait à étudier et analyser, tant du côté des pratiques de la municipalité que de celles des habitants, trois paramètres : l’énergie, l’eau et les déchets. Les données ont été collectées auprès des 15 foyers volontaires sur les 32 logements du lotissement. Elles ont été analysées, et les chiffres confirment les attentes ! Au-delà de ces trois paramètres, BRUDED a interrogé les habitants sur leur ressenti par rapport à la vie sociale au sein du quartier et a également analysé l’impact de l’ÉcoQuartier du point de vue économique pour la collectivité, pour les habitants et pour le développement local. On peut retenir comme résultats les plus symboliques : une consommation d’eau deux fois inférieure à la moyenne départementale ; une production de déchets presque 80 % inférieure à la moyenne du SMICTOM local ou encore une consommation d’énergie environ 60 % inférieure à la moyenne régionale.
Le travail réalisé par BRUDED en relation avec une quinzaine de foyers des Courtils est remarquable et très complet. Il faut noter que cette étude est allée au-delà des trois engagements évalués (l’eau, les déchets et les ressources énergétiques) en interrogeant les habitants sur le cadre de vie et leur ressenti sur le confort de leur logement. Enfin l’étude propose également des premiers éléments économiques par rapport à des maisons réalisées à partir d’éco-matériaux (paille, bois, terre…).

Pour plus d’informations, voir :