N°1 En Diagonal
 

EDITO

Revue Diagonal, de l’esprit à la lettre !

Bonjour à toutes et tous,

Je me réjouis de lancer cette première Newsletter pour une revue qui fêtera bientôt ses 46 ans ! Avec ce nouveau support, qui s’ajoute au blog de la revue créé en mars dernier, elle entend toucher plus régulièrement un large public. Elle vient s’intercaler entre la publication de deux numéros de la revue papier. Le N°205 portait sur l’ "espace vécu et son adaptation aux plus fragiles", et le N°206, publié au mois de juillet, proposera un dossier intitulé : "Face aux crises, les villes se réinventent".

Le premier numéro de cette nouvelle publication numérique met à l’honneur la biodiversité et la nécessaire adaptation de nos territoires aux effets du changement climatique. Deux enjeux, deux crises liées que l’urbanisme doit impérativement intégrer dans ses méthodes et ses réalisations.

La toute récente 7e plénière de l’IPBES vient confirmer et préciser la crise sans précédent que subit actuellement le vivant partout dans le monde. Et en particulier le rôle de l’artificialisation toujours croissante des espaces naturels ou agricoles. Nous verrons avec Philippe Clergeau, professeur au muséum national d’histoire naturelle, qu’il est possible de développer les villes en diminuant l’impact sur les écosystèmes.

L’enjeu est de taille, car la nature est l’une des solutions clés de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. Le ministère est partenaire, comme la revue Diagonal cette année, de la 10e édition du concours capitale française de la biodiversité. Il portera sur "la nature source de solutions face au changement climatique". En attendant les résultats du concours en fin d’année, des ateliers régionaux organisés partout en France ont pu mettre en lumière les solutions et initiatives souvent exemplaires des collectivités.

Je vous souhaite une bonne lecture !

Paul Delduc
Directeur de la publication DIAGONAL
Directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature

A la une

Il n’est plus temps d’attendre

7ème plénière de l'IPBES à l'UNESCO
7ème plénière de l’IPBES à l’UNESCO
Andrey Armyagov/Shutterstock.com

1 000 000 espèces sont menacées d’extinction. Les travaux de l’IPBES pointent les principaux facteurs à l’origine d’une situation sans précédent dans l’histoire.

"On est en route vers la 6ème extinction avec un rythme 100 fois supérieur à ce que l’humanité a déjà pu rencontrer", déclare Hélène Soubelet, directrice de la fédération pour la recherche sur la biodiversité. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), souvent qualifiée de GIEC de la biodiversité.

Les 145 experts contributeurs, issus de 50 pays, sont parvenus à classer les cinq facteurs directs de cette crise, par ordre décroissant d’impact : les changements d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certains organismes, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes. Selon eux, ces facteurs évoluent dans le temps. Le changement climatique devrait ainsi devenir la première pression exercée sur la biodiversité au cours des prochaines décennies.

L’urbanisation, incluse dans le premier facteur de pression, devrait aussi aggraver son impact : les zones urbaines ont doublé depuis 1992 et continuent de s’étendre. Estimé à 3% aujourd’hui, son poids pourrait représenter 10% des impacts en 2050. En France, conjuguée aux infrastructures de transport, elle participe largement à la fragmentation qui détruit les écosystèmes.

Florent Chappel

Paroles d’acteur

Urbanisme : faire avec le vivant

Philippe Clergeau est professeur d’écologie au muséum national d’histoire naturelle à Paris. Ses recherches portent sur la biodiversité urbaine, qu’il approche depuis l’échelle du bâtiment jusqu’à celle de la planification. Face à la disparition massive de la biodiversité, il adresse des recommandations aux acteurs qui font la ville.

A l’issue de la septième plénière de l’IPBES, un rapport publié le 6 mai a confirmé la crise majeure que traverse la biodiversité. Quelle responsabilité peut-on imputer à l’urbanisme en France ?
L’urbanisation contribue fortement à la baisse d’effectif des espèces. Le phénomène d’étalement urbain, par la fragmentation et la destruction des habitats, porte une atteinte évidente à la biodiversité. Aujourd’hui, l’urbanisation représente 20% de la surface métropolitaine d’après l’INSEE, contre 8 à 10% il y a seulement 10 ans. Aujourd’hui, la ville a un devoir d’intervenir et de participer à une forme de protection de la nature. Plus encore dans le cadre actuel du changement climatique. Les aires de répartition des espèces glissent vers le nord, et les grandes villes et métropoles constituent de vraies barrières. Intégrer davantage la biodiversité est de surcroît une stratégie payante pour la ville. Elle peut en retirer une utilité directe par les multiples services que rendent les écosystèmes : santé, bien-être ou encore gestion des eaux pluviales.

Comment l’urbanisme doit-il changer pour effacer ses impacts sur la biodiversité ?
Il faut raisonner à plusieurs échelles. Localement, de bonnes pratiques se développent. La gestion écologique des espaces verts se généralise et des labels exigeants se diffusent (ÉcoJardin ou Terre Saine par exemple). Autre exemple, le choix des essences, plus locales et mieux adaptées aux évolutions climatiques en cours. Pour que la ville soit durable, sa végétation doit l’être. Les monocultures de platane sont encore trop fréquentes. Autre pratique vertueuse, au niveau du bâtiment, la végétalisation de façades ou de toitures. Des travaux de recherche sont en cours pour limiter l’entretien de ces dispositifs. J’encadre en particulier une thèse opérationnelle pour développer le concept d’une végétalisation spontanée des façades, en partenariat avec des architectes. Parmi eux, l’agence Chartier-Dalix qui s’est illustrée avec le bâtiment de l’« école des sciences et de la biodiversité » à Boulogne-Billancourt. Sa structure béton astucieuse a permis une auto-végétalisation partielle en façade, et abrite une toiture végétalisée exceptionnelle.

L’intégralité de l’interview sur le blog de la revue.

Le point sur …

Ateliers régionaux du concours capitale française de la biodiversité

Avec 18 ateliers locaux et près de 1000 participants pour le concours "Capitale française de la Biodiversité", l’édition 2019 a battu un record ! Organisés pendant la phase de candidature - close le 30 avril dernier - en partenariat avec les Régions, ils ont permis d’animer le débat sur le thème de l’année : "Climat : la nature source de solutions".

Les villes d’accueil avaient toutes les tailles, depuis la métropole de Toulouse jusqu’au village de Saint-Aubin du Cormier, en passant par La Roche-sur-Yon ou encore La Saline-Les-Bains à la Réunion et dans plusieurs communes et intercommunalités de Guadeloupe.
Diagonal s’est rendu sur place, pour suivre l’atelier de Clermont-Ferrand organisé au CNFPT le 28 mars dernier.

"On a rien inventé de mieux que la nature… 
… pour stocker et réguler les phénomènes climatiques"
, lance Marc Barra, ingénieur écologue à l’agence régionale pour la biodiversité en Ile-de-France. D’après l’INRA, une prairie ou un boisement stockent 70 tonnes de carbone à l’hectare, contre 43 seulement pour une monoculture agricole. Il rappelle que les solutions fondées sur la nature, au sens de l’UICN, visent prioritairement la préservation des milieux, la meilleure gestion des espaces de nature, et la restauration des écosystèmes. En ville, elles permettent de mieux gérer les crues, comme avec la zone d’expansion des Prairies-saint-Martin à Rennes. De mieux gérer l’eau pluviale, comme avec la désimperméabilisation et les noues végétalisées à Saint-Rémy-en-Comté, ou avec des toitures végétalisées, à l’instar de l’école des Boutours à Rosny-Sous-Bois. De lutter contre l’îlot de chaleur urbain, de réguler biologiquement certaines espèces non désirées comme le moustique, ou encore d’améliorer la fertilité des sols. Un panorama de solutions où convergent l’intérêt des humains et des non-humains !

Erosion, je te haie !  
D’après Sylvie Monnier, directrice de la mission Haies à la région Auvergne-Rhône-Alpes, "l’érosion des sols de grandes cultures représente en moyenne 80 tonnes par hectare et par an". A Billom, suite au remembrement de 2000 et en raison des grandes parcelles mises en culture (30ha en moyenne), des coulées de boues ont envahi des maisons neuves d’un lotissement situé en contrebas. Le ruissellement induit aussi régulièrement des effondrements de talus, avec un coût moyen de 2000€ pour 50 m linéaires. Face à ces dommages coûteux, une solution simple : la haie. "Elle freine le ruissellement, permet l’infiltration, et bloque les particules issues de l’érosion", précise Sylvie Monnier. Mais la mise en œuvre d’une haie suppose un dialogue serré avec les agriculteurs pour les planter, et avec les services municipaux pour leur entretien. Une solution efficace, mais "résultat d’un compromis social local qui s’obtient par la concertation et un suivi constant", conclut-elle.

Zoom sur la zone humide du parc du Cérey à Riom

Zone humide au parc urbain du Cérey - Riom
Depuis le ponton d’observation, s’étend sur un hectare une zone humide ponctuée de fossés enherbés et gorgés d’eau. Sur fond de chant de grenouilles vertes, elle constitue un espace naturel au cœur du parc urbain du Cérey, proche du centre de Riom, dans l’agglomération de Clermont-Ferrand. Initialement dédié à un programme de logement, puis à une aire de jeu inondable, le site a finalement été consacré à la biodiversité. "Les mares ont été creusées avec la participation des agents de la ville", précise Caroline Montel, directrice des services techniques de la ville. Un diagnostic écologique préalable a été confié par convention au conservatoire d’espace naturel (CEN) Auvergne. Romain Legrand, responsable du projet au sein du CEN, se réjouit de ce qu’ "après un an de laisser-faire, le site révèle une sorte de pré-salé qui accueille de nombreuses plantes rares liées aux milieux saumâtres". Un plan de gestion est en place depuis 2012, avec un suivi naturaliste annuel confié au CEN. Ce partenariat réussi devrait engendrer un projet de plus grande envergure. L’extension de la zone humide est prévue sur la partie en friche qui sépare le parc du centre-ville. Dans cette zone de 7 ha classée N lors de la révision du PLU en 2017, la ville dispose de la propriété foncière. Une convention de gestion pourrait être confiée au CEN, avec commande d’une esquisse d’aménagement. Des cheminements permettraient de franchir l’actuelle coupure avec le centre, et offriraient des vues d’exception pour les touristes de passage. En dehors des cheminements, le site conserverait le statut de milieu naturel. "Ne manque plus que le feu vert politique pour engager le projet", conclut Caroline Montel.

Et ce n’est pas tout …
Le CEREMA, partenaire du concours, a pu rappeler le rôle des milieux humides et leurs bénéfices pour la ville. Ou encore le développement de la nature en ville dans les projets d’ÉcoQuartiers labellisés par le ministère en charge du logement. La région a également présenté ses outils, et rappelé que "les solutions fondées sur la nature sont souvent moins coûteuses et réversibles, mieux adaptées à l’incertitude, et aux autres enjeux comme la santé avec les allergies". L’intégralité des interventions, comme celles de l’ensemble des 18 ateliers de l’édition 2019, sont en ligne sur le site internet du concours.

Florent Chappel

En chiffres

1 000 000 d'espèces menacées

Biodiversité en voie d’exctinction

Rapport de l’IPBES remis le 6 mai 2019 aux décideurs

Brèves

Mobilités actives

Le programme Alvéole, pour sécuriser le stationnement des vélos

Alvéole se définit comme un "outil concret et innovant pour financer le déploiement de stationnements vélos". Lors de son lancement début mars, Elisabeth Borne, Ministre des Transports "déclara, le programme Alvéole s’inscrit pleinement dans plusieurs axes du ‘‘Plan Vélo et mobilités actives’’ du Gouvernement : la lutte contre le vol de vélo et la promotion d’une véritable culture du vélo." L’objectif est de favoriser la création de 30.000 places de stationnement sécurisé en deux ans. La crainte du vol serait, selon Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette, l’un des obstacles à l’utilisation du vélo en ville. "Sans stationnement dédié, affirmait-il, la pratique du vélo ne peut pas progresser : il s’agit d’une brique essentielle sans laquelle le système vélo ne peut fonctionner."
Plus d’informations sur : www.programme-alveole.com
ML

Débat national

Les architectes s’invitent dans le Grand Débat

À l’occasion du grand débat national lancé par le gouvernement, le Conseil national de l’Ordre a invité architectes, professionnels et citoyens à s’exprimer sur les sujets touchant particulièrement l’architecture et le cadre de vie. Plus de 1500 propositions ont été reçues. Elles font l’objet d’une synthèse réunissant 73 propositions autour de quatre grands thèmes : l’aménagement du territoire, la politique du logement, la transition énergétique et écologique et les nouveaux modèles de ville. Ainsi, dans les zones urbaines denses, les architectes préconisent de supprimer le principe du "zonage" regroupant sur un même territoire les mêmes fonctions et utilisateurs (zone d’activité, zone commerciale…). De même, les architectes "jugent nécessaires de privilégier la rénovation de l’existant au lieu d’opérations de déconstruction/reconstruction", en particulier dans les grands ensembles. Ils proposent pour cela d’élargir le champ d’action de l’Anru à la rénovation et à la reconversion des bâtiments relevant du patrimoine social.
Et comme il est toujours bon de s’instruire, les architectes proposent d’améliorer l’enseignement de leur profession dans les domaines de l’environnement et de l’efficacité énergétique…
Le "cahier de propositions" de l’ordre des architectes est visible sur leur site www.architectes.org/
ML

Îlot de chaleur

Clermont-Ferrand engage la lutte contre la surchauffe urbaine

Entourée de verdure, sise au pied du Puy-de-Dôme, la ville de Clermont-Ferrand n’échappe pas aux morsures de l’été ! C’est ce que montre une étude commanditée par Clermont-Auvergne Métropole. La lutte contre le phénomène d’ilot de chaleur urbain figure dans la stratégie métropolitaine. Le laboratoire de Clermont, implantation territoriale du CEREMA Centre-Est, et l’agence d’urbanisme et de développement Clermont-Métropole, viennent de réaliser une étude sur le comportement thermique de la place Delille et de quelques équipements stratégiques (une école, une crèche) à proximité. Installés avant l’été 2018, les instruments de mesures statiques ont confirmé l’exposition des populations sensibles au risque de surchauffe urbaine dans ce secteur du centre historique de la ville. Après un premier contrat de recherche et développement pour réaliser cette étude, une seconde phase est en préparation. Il s’agit d’effectuer un diagnostic des usages sur la place, de réaliser une modélisation thermique du quartier sur la base de mesures complémentaires, et de produire des recommandations pour le réaménagement futur de cet espace.
FC

Diagoflash

Colloque

Les entretiens de l’aménagement, 9e édition

Après Strasbourg en 2016, les Entretiens de l’aménagement sont accueillis à Toulouse en 2019. Pendant deux jours, élus, aménageurs, maîtres d’ouvrages, promoteurs et entreprises sont invités à échanger et se questionner sur leur façon de produire ensemble la ville. Au cours des dernières années, le monde de l’aménagement a changé. Les transitions écologique et numérique modifient les modes de faire. Au quotidien, les équipes sont confrontées à de nouveaux défis techniques et sociétaux, dans un contexte où les modèles de financement se complexifient. Urbanisme temporaire, production de tiers-lieux, évaluation environnementale, expérience et production de la ville à l’ère du numérique, nouvelle économie pour la fabrique de la ville…. plusieurs grandes thématiques en prise avec l’actualité marqueront ces 9e Entretiens, qui souhaitent plus que jamais s’inscrire dans une démarche ouverte.
www.entretiensdelamenagement.fr

Qui sommes nous?

 

Directeur de publication : Paul Delduc

Rédactrice en chef : Virginie Bathellier

Journalistes : Virginie Bathellier - Florent Chappel - Nathalie Garat - Marc Lemonier

Rubrique Diagoflash : Valérie Blin

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