Ministres et délégués des 195 pays de la Convention climat sont parvenus à un accord en début de soirée, samedi 8 décembre, après plus de 24 heures de prolongation. Conclu après 12 jours intenses de négociations l’accord de Doha, certes modeste, constitue pour la délégation française une avancée essentielle pour l’avenir en ouvrant la voie au futur accord international engageant tous les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre prévu en 2015 pour entrer en vigueur en 2020.
Tous se sont accordés sur un ensemble des textes ( 26 décisions sous la Cop et 13 sous la Cmp) , qualifiés, par le président qatarien de la conférence, de "Porte de Doha pour le climat" ("Doha climate Gateway for the future"). Parmi ces textes, 5 décisions de la COP et une décision de la CMP peuvent être considérées comme constituant le cœur du « paquet de Doha » .
1. Une deuxième période d’engagement sous le Protocole de Kyoto
La deuxième période durera 8 ans. Les parties sont invitées à revoir à la hausse leurs engagements d’atténuation d’ici fin 2014. Le report et l’utilisation des UQA (unités de quantité attribuée) sont limités.
Les amendements au Protocole de Kyoto adoptés le 8 décembre 2012 prévoient en effet que la deuxième période (CP2) commencera le 1er janvier 2013 et s’achèvera le 31 décembre 2020. Ils imposent aux parties inscrites à l’annexe B du protocole de revoir « au plus tard d’ici à 2014 » leur engagement chiffré de limitation et de réduction des émissions pour cette CP2, dans l’optique de parvenir à une réduction commune des émissions des gaz à effet de serre d’au moins 25 à 40% en 2020 par rapport aux niveaux de 1990.
Ainsi un calendrier précis, parallèle à celui des rapports du GIEC, est fixé conduisant à la négociation de l’accord de 2015. Ce calendrier devrait permettre un relèvement du niveau d’ambition pré-2020 dans le cadre de la CP 2 parallèlement à la négociation des objectifs d’atténuation post-2020 .
Les unités de quantité attribuée (UQA) excédentaires de la première période d’engagement du Protocole sont soumises à des règles encadrant leur report et leur usage au cours de la CP2. Une limite d’utilisation à hauteur de 2,5 % des objectifs de la seconde période est fixée. Mais l’ensemble des pays engagés dans cette période ont déclaré solennellement en plénière ne pas avoir l’intention d’en acheter et/ou de les utiliser. Enfin, le texte autorise l’accès aux mécanismes de projets du protocole de Kyoto à l’ensemble des parties à l’annexe I de la Convention et parties au protocole. En revanche, seuls les pays ayant pris des engagements dans le cadre de la seconde période de Kyoto sont admis à transférer et à acquérir des unités issues de ces mécanismes .
2. Clôture du groupe de travail LCA
Le groupe de travail AWG-LCA, créé à Bali en 2007 et qui regroupe l’ensemble des pays sous la convention, est désormais fermé comme prévu . Les questions traitées en son sein (atténuation, adaptation, financement, technologies, renforcement de capacités ou encore transparence) et qui n’ont pas été entièrement résolues sont transférées à la Conférence des parties, à ses organes subsidiaires (SBI, SBSTA) et aux institutions récemment créées. Certains sujets importants pour l’Union européenne ont marqué quelques progrès, comme la revue 2013-2015 ou la clarification des objectifs et actions des pays développés et en développement .
Par ailleurs, plusieurs décisions adoptées à Doha permettent de poursuivre la mise en place des institutions et mécanismes créés ces dernières années : mécanisme technologique, registre des actions d’atténuation, etc.
3. Fixation de jalons pour la montée en puissance des financements du climat jusqu’à 2020
Le résultat des travaux sur le financement rappelant l’objectif des 100 milliards de sources publiques, privées et alternatives, pose des jalons sur le chemin qui doit y conduire :
demande aux pays développés qui n’auraient pas fait d’annonce à en faire dès que leur situation financière le leur permettra
encouragement aux pays développés à considérer le niveau moyen annuel de leurs financements précoces en 2010-2012 comme un plancher pour leurs financements 2013-2015
demande aux pays développés à fournir, d’ici décembre 2013, des informations sur leurs stratégies et approches pour mobiliser ces financements ;
prolongation d’une année jusqu’à fin 2013 du programme de travail sur les financements de long terme,
demande à la COP 19 d’évaluer les progrès accomplis au sein d’un dialogue ministériel de haut niveau.
Le comité permanent sur le financement organisera quant à lui dans le cadre de son programme de travail un forum financier multi-acteurs l’an prochain. Il est par ailleurs chargé de préparer une évaluation biennale sur les flux financiers, afin de « renforcer les méthodologies de reporting des financements climat ».
Le Conseil du Fonds Vert est invité à mettre en œuvre son plan de travail pour 2013 avec diligence, afin de rendre dès que possible le Fonds pleinement opérationnel et de permettre ainsi son abondement rapide et adéquat. La COP18 a également entériné la décision du Conseil du fonds vert sur le choix du siège à Songdo (République de Corée).
4. Adoption d’ un plan de travail minimal jusqu’à 2015 pour la Plateforme de Durban
Sur l’atténuation, l’engagement général est pris d’« identifier et d’explorer en 2013 des options pour une série d’actions qui peuvent combler le fossé d’ambition pré-2020 afin d’identifier de nouvelles activités pour le plan de travail en 2014, assurant les efforts d’atténuation les plus élevés possibles dans le cadre de la Convention. ».Ce plan de travail cite, parmi les thèmes retenus, l’atténuation, l’adaptation, les financements, les technologies, le renforcement de capacité et la transparence des actions et du soutien . Le texte de négociation soumis à la COP 21 en 2015 devra être examiné à la COP 20 en 2014, « afin de rendre un texte de négociation disponible avant mai 2015 ».
5. Adoption d’ un texte nuancé sur les pertes et dommages
Ce texte porté par les PMA et les AOSIS, reconnaît le besoin de « renforcer la coopération et l’expertise pour comprendre et réduire les pertes et préjudices associés aux effets des changements climatiques » et « son rôle important et fondamental » au sein du régime climatique. Il invite les parties à travailler sur le sujet, notamment en « évaluant les risques » et en « identifiant les stratégies et approches ». Il décide d’établir, lors de la prochaine conférence en 2013, « des arrangements institutionnels, tels qu’un mécanisme international, comprenant des fonctions et des modalités » sur ce sujet. Le secrétariat de la convention est invité à travailler sur cette question.
Il ressort de ces textes un résultat globalement équilibré, en grande partie anticipé, et qui est en cohérence avec les principales positions défendues par l’Union européenne. Force est néanmoins de constater que les résultats de Doha ne permettent pas de transformer les trajectoires mondiales des émissions de gaz à effet de serre, l’Union et la France auraient souhaité aller plus loin sur certains volets, en particulier le relèvement de l’ambition pré-2020.
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