N°1 Février 2015
 

Edito

GEMAPI : une réforme difficile mais indispensable

Jean-François CARENCO
Jean-François CARENCO
Préfet de la région Rhône-Alpes
Préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée


Les dramatiques inondations de fin 2014 nous le montrent à nouveau : il est urgent d’agir pour mieux gérer nos rivières et mieux entretenir nos ouvrages de protection contre les crues. Aujourd’hui, ces tâches difficiles et parfois conflictuelles ou coûteuses incombent à tout le monde sans être dévolue à personne en particulier. Chaque niveau de collectivité (région, département, communes, intercommunalités) peut s’en saisir, sans qu’aucun d’entre eux n’en soit spécifiquement responsable.

Il en résulte un retard accumulé dans l’entretien de nos cours d’eau et de nos rivières ainsi que des disparités criantes dans la prise en charge de ces questions. Certains territoires se sont parfaitement bien organisés pour répondre aux enjeux quand d’autres restent orphelins de maîtres d’ouvrages qui soient en mesure de porter des projets pourtant parfois urgents.

Au 1er janvier 2016, en confiant la gestion de l’eau et des milieux aquatiques aux communes, la réforme GEMAPI bouleversera le paysage institutionnel. D’ici là, il nous appartient collectivement à tous de préparer au mieux les choses pour assurer la transition.

Conçue pour répondre au besoin d’échanges sur la mise en œuvre de cette réforme, cette lettre d’information électronique a vocation à mettre en commun les retours d’expériences et les bonnes initiatives qui existent partout en Rhône-Méditerranée. Sa rubrique « question/réponses » permettra également de partager nos inquiétudes, nos interrogations, et les réponses que nous pouvons collectivement y apporter.

Basée sur notre participation à tous, cette lettre sera ce que nous en ferons. Je ne doute pas que vous serez nombreux à l’alimenter et je vous invite dès maintenant à contribuer aux prochains numéros via l’adresse mail dédiée : Gemapi.Rhone-Mediterranee@developpement-durable.gouv.fr.

A la une

La mission d’appui est lancée

Le 24 novembre 2014 à Lyon s’est tenue la première réunion de la "mission d’appui technique" du bassin Rhône-Mediterranée.

La loi prévoit en effet la constitution d’une telle mission dans chacun des 5 grands bassins du territoire métropolitain, pour répondre aux questions qui se posent au sein des collectivités sur la mise en œuvre opérationnelle de cette réforme.

En Rhône-Méditerranée, cette mission est pilotée par le préfet coordonnateur de bassin Jean-François CARENCO et regroupe 27 membres, dont 8 représentants de l’État et 19 représentants des collectivités.

Le constat est unanime : réussir la réforme, c’est parvenir à conforter la gestion de l’eau à l’échelle des bassins versants. L’enjeu est bien de gérer l’eau selon les limites hydrographique naturelles pour s’affranchir des limites administratives.

La réunion de lancement a donc fixé le cap pour les trois années à venir : il faut structurer la gouvernance de l’eau à la bonne échelle, appuyer les collectivités pour qu’elles confient leur nouvelle compétence à des structures qui couvrent la totalité de leur bassin versant, et ne décident pas de l’exercer à leur propre échelle, sans intégration au sein du bassin.

La prochaine réunion de la mission est fixée au 9 avril prochain.

Accédez aux documents :
- présentation
- Le compte rendu de réunion
- Composition de la mission d’appui

Les décrets en cours

Décret « mission d’appui »

  (nouvelle fenetre) La loi prévoit l’instauration d’une « mission d’appui technique » dans chaque bassin. Cette instance d’échange et de concertation entre l’Etat et les collectivités a vocation à accompagner la mise en œuvre de la loi.

Etape : Publié au Journal Officiel le 28 juillet 2014

Décret « EPTB EPAGE »

  (nouvelle fenetre) La loi introduit les Établissement Public d’Aménagement et de Gestion des Eaux (EPAGE) comme nouvelle structure de gestion de l’eau et précise le rôle des Établissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB). Un décret est nécessaire notamment pour explicier leurs conditions de création.

Etape : En PROJET
Consultation publique effectuée du 29 juillet au 11 septembre 2014
Parution envisagée au second semestre 2015.

Décrêt « digues »

  (nouvelle fenetre) La loi MAPAM nécessite une évolution de la réglementation attachée aux digues de protection contre les crues et les submersions marines.

Etape : En PROJET
Consultation publique effectuée du 30 septembre au 3 novembre 2014
Parution envisagée au premier semestre 2015.

Zoom sur le département du Gard

Le Préfet et le Conseil Général prennent la GEMAPI en main

Le 21 novembre 2014, près de 120 élus et techniciens ont répondu présents à la journée d’information et d’échange sur la GEMAPI, présidé par Didier Martin, Préfet du Gard et Geneviève Blanc, vice-Présidente du Conseil Général du Gard. Cette demi-journée, organisée sous l’égide du Comité Départemental de l’Eau et des Inondations (CDEI), instance partenariale regroupant le Conseil Général, le Conseil Régional, l’Agence de l’Eau, les Etablissements Publics Territoriaux de Bassin et les services de l’État, a permis d’évoquer la réforme introduite par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016.

Avec plus de 7500 km de cours d’eau et environ 350 km de digues, le Gard est particulièrement concerné par la gestion des cours d’eau et les problématiques d’inondation. Pour répondre à ces enjeux, le territoire s’est largement doté de structures de bassins versants, qui gèrent l’eau selon des limites hydrographiques cohérentes et soutiennent la solidarité des territoires entre l’amont et l’aval, les milieux urbains et ruraux.
Didier MARTIN - Préfet du Gard

Didier MARTIN, préfet du Gard, a rappelé qu’en 10 ans, ce sont plus de 250 M€ qui ont été investis par l’État et ses partenaires financiers pour la réduction du risque inondation à travers les Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI). Il faut également garder à l’esprit que la prévention des inondations ne saurait être dissociée de la gestion intégrée des milieux aquatiques. L’entretien des cours d’eau, la gestion des embâcles, la préservation des zones d’expansion des crues, la préservation de la végétation des cours d’eau, et la préservation des zones humides, sont autant d’actions qui participent directement à une meilleure gestion de l’aléa, et donc à la réduction des dommages.

L’objectif de ce séminaire était d’initier les réflexions sur la nouvelle compétence GEMAPI en partant du contexte local actuel pour tendre vers une gouvernance repensée.

Partir d’un diagnostic du territoire…

Saint-Laurent-le-Minier - Septembre 2014
Saint-Laurent-le-Minier - Septembre 2014
source : Mairie St-Laurent-le-Minier
Le territoire du Gard comporte des enjeux importants :
  • inondations : 35% de la population se situe en zone inondable. Le territoire est couvert par 5 Territoires à Risque importants d’Inondation (TRI) et 8 stratégies locales de gestion du risque d’inondation (SLGRI),
  • gestion de la ressource en eau : la faible disponibilité de la ressource en eau suppose une vigilance particulière, tant sur la qualité que sur la quantité.
  • préservation des milieux aquatiques : nombreux cours d’eau et zones humides.

Pour faire face à ces enjeux, le territoire s’est doté de plusieurs outils de planification et de financement : il est couvert par le Plan Rhône, 7 PAPI (programmes d’action de prévention des inondations), 5 SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et 5 contrats de rivières.

Pont du Gard à l’étiage

Depuis les années 1990, la gestion de l’eau s’est également structurée autours de 11 syndicats de bassins versants, dont 6 sont labellisés Établissements Publics Territoriaux de Bassin. Ils regroupent environ 90% des communes du territoire. Le département du Gard joue aujourd’hui un rôle primordial dans la gestion du grand cycle de l’eau : propriétaire de six retenues d’eau, maitre d’ouvrage d’études et de travaux d’intérêt départemental, il finance également de nombreuses opérations, notamment pour réduire la vulnérabilité des territoires aux inondations.

… pour aller vers une nouvelle organisation territoriale

La compétence Gemapi au coeur de la refonte intercommunale

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Périmètre des bassins verants (contours noirs) et des intercommunalités (périmètres colorés) du Gard

Accompagner les EPCI afin de bâtir un SOCLE (Schéma d’Organisation des Compétences Locales de l’Eau) pour anticiper au mieux la prise de compétence GEMAPI : telle est l’ambition du Comité Départemental de l’Eau et des Inondations (CDEI).

Ce schéma d’organisation devra s’inscrire dans la démarche de refonte de l’intercommunalité pilotée par le préfet d’ici fin 2015. La GEMAPI fera partie des débats initiés par la Commission Départementale de Coopération Intercommunale (CDCI). La rationalisation des structures intercommunales entreprises dans le Gard (226 en 2011 et 187 aujourd’hui) se poursuivra avec un objectif fixé à 180 structures intercommunales d’ici fin 2015.

Le calendrier envisagé est le suivant :

  • Avant 2016 : réflexions avec les EPCI sur les contours de la compétence GEMAPI à l’échelle des bassins versants, en accompagnement de la CDCI.
  • 2016-2018 : organisation des statuts, des délégations et transferts de compétences nécessaires.
  • A partir de 2018 : nouvelle compétence GEMAPI opérationnelle partout sur le territoire.

En savoir plus et télécharger les présentation du séminaire

La parole est à vous !

Cette rubrique est la votre !
Alimentez-la en nous envoyant vos questions : Gemapi.Rhone-Mediterranee@developpement-durable.gouv.fr

Question 1.1 - Quels sont les contours de la compétence GEMAPI ?

Si la compétence GEMAPI est définie par la loi, l’appréciation précise de ses contours peut être sujette à interprétations. Les actions de restauration de la continuité écologique des cours d’eau ou de gestion des eaux pluviales relèvent-elles de la compétence GEMAPI ?
Réponse :
La loi définit la compétence "Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations" comme étant composée des missions visées aux 1°, 2°, 5° et 8° du I de l’article L211-7 du code de l’environnement :
  • 1° l’aménagement de bassin hydrographique ou d’une fraction de bassin hydrographique ;
  • 2° l’entretien de cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ;
  • 5° la défense contre les inondations et contre la mer ;
  • 8° la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Tableau des contours de la compétence GEMAPI
Tableau des contours de la compétence GEMAPI
Projet

Pour autant, ces missions ne sont précisées ni dans les textes réglementaires ni dans la jurisprudence. Leur définition s’appuie tout d’abord sur un raisonnement par à contrario : les alinéas 3°, 4°, 6°, 7°, 9°, 10°, 11° et 12° ne sont pas compris dans la compétence GEMAPI. A ce titre, la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l’érosion des sols (alinéa 4°) ne relève pas de la compétence GEMAPI.

Pour illustrer et faciliter l’appropriation des contours de la compétence GEMAPI, la DREAL de bassin Rhône-Méditerranée a réalisé un tableau qui identifie les contours de la compétence GEMAPI en rattachant des exemples d’actions à chacun des alinéas qui définissent la compétence. Ce document technique, qui n’a pas de valeur réglementaire, a été soumis aux membres de la mission d’appui le 24 novembre 2014. Il n’est pas finalisé et il a vocation à évoluer notamment dans le cadre des discussions avec le comité de bassin.


Question 1.2 - GEMAPI : quelles responsabilités en termes de gestion des ouvrages de protection contre les crues ?


La loi (article 58) prévoit que les ouvrages existants qui peuvent contribuer à la constitution de systèmes de protection contre les inondations et les submersions sont mis à la disposition des EPCI si ceux-ci le demandent. Quelles sont les obligations et les responsabilités pour les collectivités ?
Réponse :
A l’avenir, les collectivités responsables de la compétence GEMAPI devront définir les zones qu’elles souhaitent protéger des inondations, le niveau de protection qu’elles souhaitent assurer dans ces zones (crue décennale, centennale ou autre…) au regard notamment des études de dangers, et les systèmes d’endiguement qu’elles veulent prendre sous leur responsabilité à cet effet.

Un système d’endiguement, notion nouvellement introduite par le projet de "décret digues", ne se compose pas uniquement de "digues" à proprement parler, mais de l’ensemble des éléments qui fonctionnement ensemble et qui concourent à préserver une même "zone protégée" des inondations (digues, infrastructures routières ou ferroviaires, vannes, écluses, aménagements hydrauliques spécifiques…).

La loi prévoit toutes les dispositions nécessaires pour que les collectivités responsables de la compétence GEMAPI puissent disposer des ouvrages existants nécessaires à l’exercice de cette compétence. Ainsi, la mise à disposition d’une digue ou ouvrage d’une personne morale de droit public ne peut être refusée à la collectivité qui souhaite en disposer pour assurer la protection contre les inondations. Cette mise à disposition doit s’organiser par voie de conventions d’ici janvier 2024 pour les ouvrages de l’État et d’ici janvier 2018 pour ceux des autres maitres d’ouvrages publics. De même, les ouvrages privés pourront faire l’objet de servitudes d’utilité publique.

En termes de délais, le projet de décret prévoit que les collectivités responsables de la compétence GEMAPI devront définir et régulariser les systèmes d’endiguement :
  • d’ici fin 2019 pour les systèmes de classe A et B,
  • d’ici fin 2021 pour les systèmes de classe C.

Sous réserve de respecter les exigences réglementaires du nouveau décret et si elles le jugent nécessaire, les collectivités pourront également entreprendre ou continuer la construction de nouveaux ouvrages pour compléter les systèmes d’endiguement existants.

Dans tous les cas, les collectivités sont responsables des moyens qu’elles mettent en œuvre et non sur le résultat (Art. L562-8-1 du code de l’environnement). Dès lors que les obligations légales et réglementaires ont été respectées (conception, exploitation, entretiens), la responsabilité du gestionnaire ne peut être engagée.

Question 1.3 - Comment financer cette nouvelle compétence ?

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles crée une nouvelle compétence à la charge des communes et de leurs intercommunalités. Quels moyens financiers consacre-t-elle pour accompagner le déploiement de cette compétence ?
Réponse :
La loi crée une nouvelle taxe qui peut être levée par les communes ou leurs intercommunalités. Cette taxe est :
  • facultative : les communes et leurs EPCI ont le choix de lever cette taxe ou non. Les dépenses relatives aux missions de la GEMAPI peuvent être financées via leur budget général, via les recettes de la nouvelle taxe, ou via les deux moyens ;
  • plafonnée à 40€ par habitants. Le produit attendu de la taxe à l’année N+1 doit être arrêté avant le 1er octobre de l’année N et ne pas dépasser ce plafond. Le recouvrement de ce produit est ensuite réparti sur la taxe d’habitation, la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises, au prorata des recettes que chacune de ces trois taxes a procurées l’année précédente à la commune ou aux communes membres de l’EPCI FP (si la taxe est levée par celui-ci) ;
  • affectée exclusivement à l’exercice de la compétence GEMAPI. La taxe ne peut pas être utilisée pour financer des actions qui se trouvent en dehors du champs de la compétence GEMAPI.

En aucun cas, la taxe ne peut être levée par un syndicat mixte de bassin versant, un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) ou un établissement public territorial de bassin (EPTB). En revanche, une communes ou une intercommunalité qui confie l’exercice de la compétence GEMAPI à une structure de bassin versant, peut utiliser les recettes de la nouvelle taxe pour financer tout ou partie de son adhésion à cette structure.


Question 1.4 - Quelle différence entre transfert et délégation de compétence ?


Pour confier la compétence GEMAPI à une structure de bassin versant, les communes et leurs intercommunalités ont le choix entre deux modalités : la délégation et le transfert de compétence. Quelles sont leurs implications respectives ?
Réponse :
A noter tout d’abord que la délégation de compétence est une possibilité qui est uniquement réservée en faveur des Etablissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB) et des Etablissements Publics d’Aménagement et de Gestion des Eaux (EPAGE). Un syndicat mixte de bassin versant "de droit commun" ne peut pas exercer la compétence GEMAPI par délégation et doit donc se voir confiée la compétence par transfert uniquement.

Par ailleurs, le transfert et la délégation n’emportent pas les mêmes conséquences :
  • Le transfert de compétence est pérenne. La collectivité qui transfert une compétence est totalement relevée des responsabilités qui s’y rattachent. Le transfert emporte également de plein droit la mise à disposition (et non pas la propriété) des biens et équipements nécessaires à l’exercice de la compétence.
  • La délégation est conclue par une convention qui fixe les objectifs à atteindre, les indicateurs de suivi et les modalités de contrôle de l’autorité délégante. Elle prévoit les modalités financières et les moyens éventuellement mis à disposition. Elle fixe également la durée de la délégation et les modalités de renouvellement. Les compétences déléguées sont par ailleurs exercées au nom et pour le compte de la collectivité territoriale délégante.

La délégation de compétence apporte donc une certaine souplesse puisqu’elle peut être renégociée régulièrement. En revanche, le transfert permet d’établir des rôles plus stables dans le temps et une plus grande clarté dans les responsabilités de chacun (l’autorité qui transfert étant détachée de toute responsabilité).

 

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