En 2019, l’appel à projet de recherche Modeval-Urba de l’Ademe retient six projets lauréats pour atténuer la surchauffe urbaine.
" Les canicules rappellent à la réalité" , remarque Solène Marry, docteure en urbanisme et correspondante recherche à l’Ademe." Mais, c’est sur le long terme tout au long de l’année que les actions sont à mener, au-delà des premières réponses de crise". Pour sa quatrième édition, l’appel à projet de recherche Modeval-Urba de l’Ademe consacre l’un de ses axes à l’atténuation de la surchauffe urbaine.
L’été 2019 a, de fait, renforcé le besoin de réponses face à des chaleurs de plus en plus prégnantes. 18 jours de canicules au total ont marqué la France en 2019, répartis en deux épisodes très intenses : du 24 juin au 7 juillet et du 21 au 27 juillet. Au-delà du maximum de 43,6° relevés à St Maur (94), plus de la moitié des stations Météo France ont ainsi connu des records absolus de température. "Dans le climat actuel, l’évènement que nous venons de vivre est tout à fait exceptionnel, avec une durée de retour entre 50 et 150 ans" , précise le communiqué de presse de Météo France du 5 août dernier, "(…) les projections à l’horizon 2040 montrent qu’une telle vague de chaleur deviendra quatre fois plus probable et que son intensité pourrait être encore augmentée d’environ 1,2° supplémentaire."
Aux premières loges des îlots de chaleur urbain, plusieurs métropoles s’engagent pour trouver ou proposer des réponses. Cette année, les territoires parisiens et nantais figurent parmi les lauréats de Modeval-Urba. Sur Paris, le projet Récré s’intéresse à l’aménagement de cours d’écoles pour créer des îlots de fraîcheur. En lien avec la démarche Climat et risques de la Ville de Paris, ce projet de recherche est porté par le Museum national d’Histoire naturelle, le bureau d’études Tribu et le cabinet XLGD architectures. "Les cours d’école, cela peut paraître anecdotique" , relève Solène Marry. "La mairie peut avoir une action forte sur beaucoup d’espaces minéralisés. Les cours d’écoles en font partie. Et cela montre que c’est possible."
Autre lauréat, le projet Dési’Ville : la métropole nantaise en collaboration avec le BRGM et la société Dixit.net, y développe les outils pour désimperméabiliser les sols urbains artificialisés. D’ailleurs, au-delà des métropoles, "les petites communes peuvent aussi investir le sujet, en remplaçant par exemple leurs places de stationnement bitumées par des sols perméables" souligne Solène Marry. De multiples solutions existent. On peut travailler sur la ressource en eau et la récupération des eaux de pluie, désimperméabiliser les sols et adapter les matériaux des infrastructures et constructions. On peut aussi intégrer la fonction de rafraîchissement de la végétation par un choix ad’hoc d’essences dans les aménagements urbains ou encore, adapter la forme urbaine en introduisant par exemple la question du rafraîchissement dans les documents d’urbanisme.
L’Ademe propose un guide "solutions de rafraichissement urbain" (2017) pour se repérer dans cet éventail de solutions "vertes, grises et douces", ainsi qu’une trentaine de fiches-actions d’adaptation au changement climatique. "Le diagnostic local est capital" , souligne Sophie Debergue, ingénieure expert urbanisme à l’Ademe. Car se focaliser sur un type de solutions sans savoir comment se forme localement l’îlot de chaleur urbain peut s’avérer inefficace, voire même contre-productif.
Ainsi, "dans un projet, il faut intégrer les services que l’on veut voir rendre par les végétaux. Mais il est important d’y réfléchir de manière circonstanciée en intégrant la question de l’organisation de l’espace" , observe Luc Chrétien, chef de division "Biodiversité eau et aménagement" à la direction territoriale Est du Cerema. "Par exemple, dans une rue canyon bordée d’immeubles, le feuillage des arbres peut agir comme le couvercle d’une cocotte-minute, si la couverture végétale sur la rue s’avère complète."
Destiné à faciliter l’accès aux données et informations, l’Ademe travaille d’ailleurs avec le Cerema au montage d’un portail sur l’adaptation au changement climatique. Car, comme le rappelle Sophie Debergue, "réfléchir en termes de co-bénéfices" pourrait devenir l’un des maîtres-mots de l’aménageur. Une action de végétalisation bien pensée en vue d’une adaptation au changement climatique pourrait avoir des impacts en termes de biodiversité, de services écosystémiques, d’inondation. Elle pourrait aussi apporter une attractivité nouvelle à un centre urbain ou créer des emplois verts. Ce qui ne va pas sans une transdisciplinarité affirmée dans les choix politiques et pour les concepteurs.
Propos recueillis par Nathalie GARAT