La Seine-Saint-Denis est durement touchée par la covid-19. Un détour par la ville de Montreuil rend compte des inégalités territoriales et sociales renforcées par la crise et le confinement. En première ligne, les associations et les bénévoles ont apporté leur soutien aux travailleurs migrants et aux sans-abris, en lien avec les pouvoirs publics.
En Seine Saint-Denis, la pandémie frappe plus cruellement qu’ailleurs. Les statistiques le prouvent. Ce département, l’un des plus pauvres de France, cumule les risques de la voir se développer. Le profil de sa population d’abord, composée en partie de ces travailleurs jusqu’alors invisibles et mal payés, infirmiers, aides-soignantes, livreurs, éboueurs, caissiers, ou qui exercent dans la restauration, le bâtiment et dans les transports. Le surpeuplement des logements ensuite, que ce soit dans l’habitat social ou dans les quartiers plus anciens qui connaissent, en outre, nombre de logements insalubres. L’offre médicale enfin, qui est, pour les seuls généralistes, inférieure de 17 points à celle enregistrée en Île-de-France (54,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre 71,7).
Aussi à Montreuil, il a bien fallu faire face à la situation, car c’est avant tout une ville d’accueil et de travailleurs migrants, qui compteraient jusqu’à 12 % de la population. Et les 12 foyers légaux de travailleurs migrants et résidences sociales situés sur la commune ont, plus qu’ailleurs en période de confinement, traversé de grandes difficultés. D’autant que, si l’on recense 2 000 résidents officiels, ils seraient au moins 4 000 selon la mairie. Or, certains établissements sont en très mauvais état, cumulant délabrement des locaux, partage des sanitaires et sur-occupation dans des chambres de petites surfaces, qui oscillent entre 7 et 9 m² et comprennent parfois plus de 4 personnes.
Les mauvaises conditions d’habitat ont aggravé les conditions du confinement, mais les résidents dans leur ensemble ont connu une dégradation de leurs conditions de vie. La perte d’un emploi ou de revenus liés à des "petits boulots" pour les plus précaires a amplifié le désarroi. Un quotidien rendu encore plus compliqué par une décision préfectorale de fermer les cantines collectives. La confection des repas s’avérait dès lors impossible puisqu’il n’existait pas de solution alternative sur place.
Heureusement, la solidarité a pu atténuer la gravité des situations. Au sein des communautés, les moins démunis ont aidé ceux qui le sont davantage. La municipalité a aussi accompagné les résidents par la distribution de kits sanitaires et de denrées alimentaires, complétée par les dons des particuliers. La Fédération des forgerons, une association mandatée par la mairie, a assuré la livraison quotidienne de repas dans l’un des foyers les plus "abimés". Une trentaine de personnes - parmi les plus vulnérables ou testées positivement - a pu être prise en charge et logée dans des hôtels de la commune.
La mise à l’abri des personnes sans domicile ou vivant dans un habitat de fortune - qui relève de la compétence de l’État – a également occupé la préfecture et les associations, en lien avec la municipalité. Il y aurait encore 200 SDF, depuis le départ d’environ 600 Roms ayant quitté leurs campements pour rallier leur pays d’origine, quelques jours avant le confinement. Alors que la réquisition par l’État de l’hôtel Ibis (1), porte de Montreuil, a mis à l’abri 220 personnes, l’association Habitat et Humanisme, qui coordonne l’opération, a pu compter sur des Montreuillois de tous âges appelés à la rescousse pour les recevoir, leur expliquer le règlement, fournir des attestations de sortie et distribuer des repas.
Car dans la construction et la gestion des réponses à cette situation de crise, le rôle des associations s’avère essentiel. Ainsi, Médecins sans frontières et les centres municipaux de santé assurent des consultations médicales. L’association Emmaüs Alternatives reçoit, quant à elle, dans un gymnase mis à disposition par la mairie, une soixantaine de personnes en journée, dont une dizaine de sans-abri qui campent au bois de Vincennes. Elles peuvent trouver là des douches et des toilettes ainsi qu’un accès au courrier et un repas. Même si ces personnes étaient déjà hébergées par le 115, généralement sur la commune, elles sont aujourd’hui plus démunies puisqu’elles n’ont plus les subsides que leur procurait un travail occasionnel.
La solidarité vient donc combler les manques. La distribution hebdomadaire de colis alimentaires contenant des produits frais profite ici à près de 180 personnes au final. Ils sont approvisionnés par la Banque alimentaire, par la collecte nationale organisée fin novembre, par des entreprises et des particuliers. Au-delà de ces exemples, dans toute la ville, les nombreux bénévoles mobilisés par différents réseaux s’activent toujours. Grâce à eux, aussi, la vie continue, malgré tout.
Virginie Bathellier
1) Après négociation avec l’État, la préfecture indique que la chambre d’hôtel est facturée 40 euros la nuitée par le groupe Accor.