Les bailleurs sociaux lancent une opération novatrice en direction de leur parc de maisons individuelles.
L’action engagée par les bailleurs sociaux ligériens trouve son origine dans une constatation, rappelée par Axel David, directeur de l’USH des Pays de Loire. "Nous avions des difficultés à rénover des pavillons chauffés à l’électricité, situés dans des zones périurbaines disséminées dans toute la région. Ils furent très longtemps attractifs, car ils offraient aux locataires du parc social la possibilité de vivre dans une maison individuelle." Mais cette perception s’est dégradée devant l’augmentation vertigineuse des charges de chauffage liée à leur vétusté.
Depuis, les bailleurs sociaux de la région Pays de Loire se mobilisent en faveur d’une évolution des pratiques dans la rénovation énergétique de leur patrimoine. En 2018, ils rencontrent des acteurs faisant la promotion de la démarche Energie Sprong, importée des Pays-Bas. Ils en arrivent à se poser des questions sur la possibilité d’engager des campagnes de réhabilitation "industrielle" de logements, avec l’ambition de leur offrir un "bouclier énergétique". Toutefois, la difficulté tient à la nature des logements concernés, comme le souligne Axel David. "Pour engager cette démarche fondée sur la standardisation et l’industrialisation des procédés techniques, il serait évidemment plus simple de procéder à la rénovation énergétique de bâtiments collectifs". Une étude porta sur environ 16 000 logements, les bailleurs ayant choisi des opérations intégrées dans un marché inter-organisme. L’opération concernera finalement 2 000 logements, soit environ 1 % du parc ligérien.
Une opération pilote de rénovation menée selon la démarche EnergieSprong à Longueau (80). © EnergieSprong
Pour Axel David, "le principe d’EnergieSpong est de changer de modèle. Aujourd’hui les travaux sur le parc social se répètent tous les 10 ou 12 ans avec des remises aux normes et de l’entretien. La nouvelle logique consiste à tout remettre à des hauts niveaux de qualité dès le début, pour que le produit s’engage dans un nouveau cycle de vie." Pour cela, il n’est pas possible et rentable de faire des prototypes, la réussite passe par une commande collective et massive. "Nous devions trouver un modèle économique, tout en s’assurant d’avoir des entreprises pour mettre en chantier ces opérations." Les travaux consisteront en l’isolation par l’extérieur des maisons, le traitement de la toiture, la ventilation, et la mise en place d’un dispositif performant d’énergie renouvelable.
Les entreprises de BTP de la région se sont mobilisées. Réunies en club, elles ont constitué des groupes pour se porter candidates. Les 2 000 logements à traiter font l’objet de quatre lots de 500 logements. Une bonne échelle pour que les opérations soient menées par des regroupements comportant 25 % de PME. Les entreprises sélectionnées seront liées par un marché CREM - conception, réalisation, entretien et maintenance - de longue durée, 30 ans.
Cet engagement est l’un des aspects de l’opération dont les conséquences devraient être doublement bénéfiques. Des logements sociaux atypiques connaîtront une nouvelle vie, passant du statut de passoire énergétique à celui de logement BBC, tandis que le monde des entreprises régionales en sera dynamisé.
"L’essentiel de la valeur ajoutée produite par la réhabilitation ne le sera pas sur le site des travaux, précise Axel David, mais auprès d’entreprises parfois distantes. Il faut organiser le travail en usine, ce qui est très différent de la gestion d’un chantier. On déplace la production, et donc aussi les besoins en formation." Au passage, l’opération apparaît comme une motivation pour développer l’usage des BIM (building Information Modeling, les "maquettes numériques") dans le monde des petites entreprises locales.
Financées par les bailleurs sociaux, la Banque des territoires, la Région, des fonds européens, l’État et particulièrement France Relance, les opérations qui vont débuter à la fin de l’année 2021 en Pays de Loire viendront concrétiser les objectifs multiples du plan. Elles ouvrent à de nouvelles possibilités techniques en matière de rénovation énergétique, tout en redynamisant un secteur industriel ayant particulièrement souffert de la crise de la Covid-19.
Marc Lemonier