Aujourd’hui et par rapport à l’ère pré-industrielle, la température moyenne planétaire a déjà évolué de +1°C et de +1,5°C en France. En Grand Est, territoire le plus continental du pays, l’amplitude du changement sera encore plus marquée. Cela doit nous conduire à prendre en compte le changement climatique et réduire nos émissions de GES, tout de suite, partout et tous ensemble, dans tous nos actes du quotidien.
Chaque demi-degré supplémentaire expose des centaines de millions d’humains de plus aux risques climatiques, et au risque de basculer dans la pauvreté (GIEC). Le dépassement du seuil de +2°C signifierait une intensification du changement climatique, avec des conséquences imprévisibles. Des transformations radicales sont nécessaires rapidement.
Avec des acteurs de filière engagés, des leviers financiers incitatifs qui se développent, des évolutions réglementaires déjà en place et à venir, les opportunités d’adaptation sont nombreuses.
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Il s’agit en premier lieu de
réduire l’impact climat-carbone des projets d’aménagement et de bâtiments, de la construction à la fin de vie, en maîtrisant la consommation d’espaces et l’artificialisation des sols, en développant le recours aux matériaux bio-sourcés. Cela permet de préserver le
service de séquestration carbone offert par le végétal vivant, et de
stocker du carbone, autant et aussi longtemps que possible sous forme de matériaux.La Dreal soutient les démarches de meilleure intégration des évaluations climat-carbone dans les projets d’aménagement, assure la promotion de l’expérimentation E+C-, soutient le développement des filières « biosourcées », identifie les friches foncières dégradées à prioriser pour développer des projets d’énergies renouvelables. En phase exploitation, une attention particulière est nécessaire sur la
sobriété des systèmes énergétiques et sur l’étanchéité des circuits de fluides frigorigènes (climatisations, chambres froides) du fait du très fort effet de serre que ces gaz déclenchent lorsqu’ils sont libérés dans l’atmosphère.
L’ampleur de phénomènes extrêmes que nous allons connaître va croître (vagues de chaleur, pluies intenses). Leurs impacts sur les quartiers et le bâti sont multiples, et toutes les
actions préventives, réfléchies projet par projet sur les ombres, les couleurs, le végétal, l’infiltration des eaux pluviales, les structures et matériaux, la préservation de la nature en ville, seront autant de garanties pour l’avenir. Les acteurs du bâtiment en région se mobilisent notamment sur la prise en compte de ces risques par l’organisation de conférences.
Les
tensions autour de la ressource en eau vont également s’amplifier et l’intégration de cette contrainte est encore une fois un gage de résilience. Des réflexions régionales dans le cadre d’une stratégie pour la gestion quantitative des ressources sur le bassin Rhin-Meuse sont en cours. Enfin, les projets doivent préserver au mieux la
biodiversité, notamment par la place laissée à la nature, privilégier toutes les
mobilités décarbonées et sobres en énergie.
L’action de tous, en faveur d’une transition ambitieuse et juste, est nécessaire. En Grand Est, un partenariat Région – Ademe - État permet de développer et diffuser les connaissances, de former les acteurs et diffuser des outils, d’accompagner et améliorer la coopération. La Dreal accompagne les partenaires et collectivités, dont la majorité se sont engagées dans la réalisation d’un plan climat énergie territorial (PCAET), dans lequel devront figurer un volet et des actions adaptées au changement climatique.
Télécharger la plaquette « le climat change » :
www.ecologique-solidaire.gouv.fr
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Regards croisés d’acteurs de la construction en région :
*- Bertrand CHAUVET (Agence Qualité Construction)
*- Sylvie FEUGA et Katarina BROCKSTEDT (Envirobat Grand Est)
*- Ronan BELLIER (pôle fibres energivie)
Que signifie concrètement adapter le bâti au changement climatique :
faudra-t-il construire ou rénover autrement ?
BC : l’un des principaux enjeux en matière de changement climatique, c’est déjà de constater que celui-ci est en cours ! Les acteurs du bâtiment ont souvent été mobilisés jusqu’ici sur des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, et non pas « d’accompagnement » de celui-ci. Cela constitue donc un changement d’état d’esprit important.
La Fédération Française de l’Assurance estime que le coût des dommages matériels causés par le changement climatique passera de 48 milliards d’euros entre 1988-2013 à 92 milliards d’euros d’ici à 2040. Le secteur de la construction est naturellement l’un des plus touchés et il est donc normal que l’AQC s’empare du sujet.
KB/SF : les normes du bâtiment et les documents d’urbanisme ont évolué pour intégrer la lutte contre le réchauffement climatique mais n’ont pas encore pris en compte dans la majorité des cas l’adaptation au changement climatique. Par exemple, des bâtiments situés en zone non inondable sont devenus sujets au risque inondation avec l’amplification des crues alors qu’ils n’avaient pas été conçus pour résister à ce risque. Il est donc indispensable de faire évoluer ces documents de référence et de construire et rénover autrement.
Une mesure prioritaire est d’assurer le confort d’été dans les bâtiments et dans les villes car au-delà de 28°C, les personnes ont du mal à supporter la chaleur et sont moins efficaces.
A l’échelle de la ville, il faut par exemple respecter et créer des couloirs de vent, améliorer le microclimat avec la présence de l’eau, la plantation d’arbres pour créer de l’ombre et humidifier l’air, favoriser les surfaces qui stockent et rendent l’humidité.
A l’échelle du bâtiment, il existe de nombreuses solutions : utiliser des protections solaires efficaces et bien orientées, éviter tout pont thermique et garantir une bonne étanchéité à l’air, utiliser des surfaces claires pour les toitures plates, favoriser la végétalisation des revêtements de sol au bitume noir à proximité des bâtiments, prévoir de l’inertie, effectuer une surventilation nocturne, préférer les équipements qui ne dispensent pas de chaleur à l’intérieur des bâtiments.
RB : les deux segments, neuf et rénovation, sont importants pour atteindre les objectifs fixés par la Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte et tendre vers un bâtiment responsable, autonome et en synergie avec son écosystème. Mais aussi intelligent, au service de ses habitants.
Via les programmes neufs, il sera nécessaire d’améliorer leur efficacité énergétique et de constituer un parc bâti moins énergivore, voire producteur d’énergie pour le futur. A ce titre, le développement des énergies renouvelables devra faire d’importants progrès, non seulement sur le plan technique pour améliorer performance et coût d’usage, mais aussi sur des usages plus diversifiés, flexibles et facilitant la mixité énergétique.
Les opérations neuves seront également l’occasion de tester, de dimensionner et d’intégrer plus rapidement les exigences sur le volet « carbone » ; et ce, avec une importance de la compacité du bâti, de l’utilisation des énergies décarbonées et des matériaux bas carbone.
Via les programmes de rénovation, l’objectif sera d’accélérer la « mise à niveau » du parc existant qui représente la majorité des bâtiments sur notre territoire.
L’apport des outils numériques est essentiel que ce soit dans les phases de conception/ réalisation pour multiplier les scenarii en amont, pour faciliter les prises de décisions, permettre la préfabrication et l’optimisation des phases chantier ou encore contribuer à la production facilitée de bâtiments bioclimatiques et responsables.
Enfin, il reste déterminant de poursuivre la sensibilisation, la responsabilisation et l’implication des usagers, afin de faire évoluer les habitudes.
Quels sont les principaux enjeux identifiés dans votre champ de compétence
et quelle est votre stratégie d’action ?
BC : le colloque du 20 novembre dernier à Strasbourg, organisé en collaboration avec la Mission Risque Naturel, la DREAL Grand Est, la préfecture du Bas-Rhin et Envirobat, a montré que les réponses sont multiples. Dans le cas de l’inondation par exemple, on peut résister, en prévoyant d’installer des batardeaux, éviter par des surélévations, ou céder, en ayant prévu d’utiliser des matériaux résistants à l’eau.
Une autre raison pour laquelle il est difficile d’apporter une réponse générique, c’est qu’il peut être difficile d’accorder certains objectifs, l’utilisation de matériaux résistants à l’eau et de matériaux biosourcés par exemple.
Dans tous les cas, cela signifie qu’adapter le bâti au changement climatique, c’est d’abord et avant tout prendre le temps du diagnostic, de l’étude et du conseil pour déterminer la stratégie de construction ou de rénovation la plus pertinente dans un lieu et pour un risque donnés.
KB/SF : Envirobat Grand Est fait la promotion du bâtiment et de l’aménagement durables auprès des acteurs professionnels. Faire en sorte qu’ils adaptent les bâtiments et les aménagements au changement climatique est un réel enjeu. Pour être durable, un bâtiment doit être et rester utilisable, confortable, sain, peu consommateur d’énergie et peu impactant sur l’environnement. Le changement climatique peut mettre à mal cette durabilité en priorité à cause de l’augmentation des canicules qui crée de l’inconfort, des décès de personnes fragiles et une baisse de la productivité économique. Les périodes de sécheresse qui augmentent créent des sinistres au niveau de certains murs du fait des retraits/gonflements d’argile et les inondations et tempêtes rendent parfois insalubres les bâtiments.
Afin de répondre à cet enjeu, nous réalisons plusieurs types d’actions auprès des acteurs du bâtiment et de l’aménagement. Afin qu’ils aient une vision globale pour opter pour des solutions pertinentes sur le long terme, nous les informons sur les risques encourus, sur les solutions techniques permettant de s’en prémunir et sur les fausses bonnes idées qui peuvent permettre de résoudre un problème mais qui en aggravent un autre. Nous nous appuyons également sur les retours d’expériences des maîtres d’ouvrage et des professionnels pour informer leurs pairs des bonnes et mauvaises pratiques. Enfin, nous accompagnons les organismes de formation initiale et continue afin qu’ils intègrent ces notions dans leurs formations.
RB : nombreux sont les défis énergétiques, environnementaux et sociétaux à relever pour la filière du Bâtiment. Dans ce contexte, les responsabilités et les potentialités d’action du secteur de la construction sont énormes. Le Bâtiment représente environ 25% des émissions de gaz à effet de serre), 45% de la consommation d’énergie finale et produit environ 42 millions de tonnes de déchets par an.
La feuille du route du pôle est donc structurée autour de 3 Domaines d’Activités Stratégiques (DAS) pour répondre à ces objectifs :
- DAS Services, Énergie et territoire bas carbone :
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- Utiliser les données pour développer de nouveaux services.
- Optimiser la performance des équipements de production d’énergie renouvelable.
- Évoluer vers des territoires responsables et bas carbone.
- DAS Chimie, matériaux et systèmes constructifs :
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- Concevoir et développer des matériaux, des procédés et des systèmes pour un bâtiment bas carbone, responsable et évolutif.
- Optimiser la qualité de mise en œuvre et la performance sur le chantier.
- Garantir le confort, le respect de la santé des usagers et le maintien de la performance tout au long de la vie du parc bâti.
- Promouvoir le numérique au service de la performance et de la qualité durant toutes les phases du projet (neuf ou rénovation).
- DAS Économie circulaire :
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- Garantir la non toxicité et la traçabilité sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux.
- Déployer la démarche d’éco-conception généralisée à la filière Bâtiment.
- Développer et structurer les filières de recyclage et de réemploi.
- Faire de l’économie circulaire, un levier de la compétitivité des filières Bâtiment et bois.
Quelles actions concrètes avez-vous mises en œuvre ou programmées ?
BC : la première étape consiste à informer et à mobiliser les parties prenantes, si possible de manière transversale. De nombreux acteurs (la Mission Risques Naturels, les centres de ressources, les services de l’État, le CEREMA, les collectivités territoriales) travaillent depuis longtemps sur la prévention des risques naturels.
Il ne s’agit donc pas de proposer de nouveaux outils, mais plutôt de faire en sorte que les outils existants soient davantage utilisés. C’était l’objectif des colloques à Metz et Strasbourg, et que nous déclinerons en 2019 sur d’autres territoires de la région.
KB/SF : Envirobat Grand Est a déjà organisé un certain nombre de colloques, conférences, visites et rédigé des fiches de retours d’expériences en lien direct avec cette thématique, d’autres sont à venir. En voici les plus essentielles :
- Colloque sur le confort d’été prévu en septembre 2019 à Strasbourg
- Intégration de la thématique dans le travail de méthodologie bâtiment durable avec les étudiants architecte/ingénieur en 5ème année à l’INSA de Strasbourg et dans le projet de recherche technologique des 4ème années (inertie et confort d’été)
- Fiches de retours d’expériences lorrains sur le confort d’été dans les bâtiments à basse consommation d’énergie et sur le puits canadien
RB : le Pôle mène de multiples actions, tant en terme d’animation de l’écosystème du pôle, que d’accompagnement des acteurs sur des projets ou solutions innovants (E+C-, Energiesprong, bâtiments pionniers, …).
Il organise aussi des évènements réguliers, comme le colloque build & connect, les clubs éco-transition, BIM et smart grids.