Interview croisé de deux communautés lauréates de l’appel à projet PLUi 2014 porté par le ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité
1. Quelles motivations ont conduit les communes membres de votre communauté à lui transférer la compétence PLU ?
Alain Roussel : Voté à l’unanimité, le transfert de cette compétence exprime la forte volonté de nos 19 communes, dont seules 6 sont dotées d’un document de planification, de s’adapter, à moindre coût, à l’évolution législative et réglementaire actuelle.
L’absence de document d’urbanisme risquait de freiner notre développement, ce qui n’est pas acceptable pour notre territoire rural qui souffre d’un important déclin économique et d’une sévère déprise démographique.
Souhaitant maîtriser leur destin, les communes ont accueilli positivement la dimension intercommunale du PLU, notamment en raison de la confiance établie avec la Communauté de Communes depuis sa création en 2004. La réflexion prospective sur le devenir du territoire ne pouvait s’imaginer qu’à plusieurs.
Jean-Claude Martin : Plusieurs arguments ont poussé les élus du territoire à s’engager dans un urbanisme intercommunal :
L’évolution des modes de vie , et le constat que les habitants évoluent désormais au-delà des frontières communales : certains font plus de 100 km par jour pour se rendre sur leur lieu de travail.
Un besoin de mutualisation : une petite commune ne peut pas développer seule des équipements d’ampleur, tels qu’un gymnase. Par ailleurs, les communes ne sont plus armées pour élaborer des documents à la complexité croissante : aujourd’hui, un PLU sur deux tombe pour contentieux. Enfin, l’élaboration d’un PLUi répond également à un souci de simplification : les communes étaient toutes couvertes par des documents hétérogènes, devant évoluer (carte communale, POS, PLU à « grenelliser »).
Un territoire à enjeux : notre situation géographique dans le sillon alpin, entre deux agglomérations (Annecy et Chambéry), ainsi que la proximité de Genève où travaillent plus de 80 000 frontaliers qui résident en Haute Savoie, nous soumettent à une pression foncière croissante. Avec le PLUi, nous recherchons la construction d’un projet de territoire équilibré, préservant nos paysages et notre cadre de vie tout en développant des équipements de proximité, en proposant des formes d’habitat appropriées…
2. Quels freins avez-vous pu rencontrer, et comment êtes-vous parvenu à les lever ?
Alain Roussel : J’ai proposé le transfert de la compétence au Conseil Communautaire en septembre 2013, alors même que l’Association des Maires Ruraux alertait massivement ses adhérents sur les risques du transfert automatique aux intercommunalités prévu par la loi ALUR. Ces mises en garde ont semé le doute parmi nos conseillers municipaux. Il a fallu faire preuve de pédagogie et d’écoute mutuelle. Finalement, mes collègues ont tous été convaincus de l’intérêt de cette démarche volontaire, résolument tournée vers l’avenir.
Jean-Claude Martin : Certains élus percevaient le PLUi comme une menace par rapport à leur maîtrise du territoire. Deux années de discussions ont ainsi été nécessaires pour les convaincre du bien-fondé de la démarche.
Notre longue culture intercommunale a facilité ce changement : créé en 1993, le Pays d’Alby – 11 communes et 13 000 habitants – a été la première communauté de commune de Haute-Savoie. Elle a fait ses preuves en mettant en place de nombreux équipements partagés (zones d’activités économiques, équipements sportifs, maison de retraite, crèche, compétences eau potable et assainissement…). L’élaboration du SCoT, approuvé en 2005, a également préparé les esprits, en invitant les élus à s’ouvrir davantage, à sortir de leur commune. Ils ont alors pris conscience du hiatus entre leur attachement à la commune et la vie de leurs administrés, qui recherchent un service sans se soucier de sa localisation exacte.
Quelques élus sont cependant restés opposés à ces arguments : nous avons alors décidé de passer, fin 2012, à la phase du vote, car celle de l’argumentation ne peut pas durer éternellement. Le transfert de compétence n’a pas été accepté à l’unanimité - au contraire de l’eau potable, transférée deux ans plus tôt - néanmoins une très large majorité a soutenu cette décision.
3. Comment prévoyez-vous d‘articuler l’élaboration de votre PLUi avec les autres politiques sectorielles (habitat, mobilité, paysage, trame verte et bleue, économie…) de votre territoire ?
Alain Roussel : Notre collectivité intervient dans de nombreux domaines. J’espère qu’avec l’aide des bureaux d’études qui seront prochainement recrutés, le PLUi permettra de structurer ces politiques dans une globalité d’action afin qu’élus, acteurs économiques, responsables associatifs, habitants… puissent imaginer ensemble un véritable projet d’avenir pour notre territoire.
Le paysage tient une place de premier plan dans notre démarche : grâce au soutien financier de l’Etat (appel à projet), nous avons lancé une démarche Plan de Paysage en janvier 2014 dont l’objectif est de servir d’introduction, voire de socle, à l’élaboration du PLUi. Les élus souhaitent en effet que le paysage devienne une ressource support de développement. Le paysage devra donc être au cœur du PLUi, tel un fil rouge. On le considérera bien sûr dans la phase de diagnostic et, surtout, on ne l’oubliera pas en préparant le PADD ; on s’interrogera sur les conséquences paysagères des OAP ; on intégrera des prescriptions du Plan de Paysage dans le règlement, etc.
Jean-Claude Martin : Nous souhaitons profiter de l’élaboration du PLUi pour aborder et articuler un large spectre de politiques publiques sur le territoire : paysage, agriculture, habitat, mobilité (en lien avec le conseil général et les collectivités voisines)…
Réfléchir simultanément à ces différentes politiques nous permettra de renforcer les orientations prises pour chacune d’entre elles : par exemple, l’intégration du PLH dans le PLUi facilitera l’anticipation d’un zonage adapté à nos objectifs en matière d’habitat.
4. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’accompagnement pouvant être proposé par le Club PLUi et ses partenaires (apport d’outils méthodologiques, partage d’expérience…) ?
Alain Roussel : Le Club nous apporte déjà une visibilité et une reconnaissance : notre modeste territoire devient une ressource pour plusieurs collectivités qui nous sollicitent sur notre démarche. Il nous permettra de découvrir d’autres expériences et de s’en inspirer pour gagner en efficacité.
Jean-Claude Martin : Nous souhaiterions bénéficier de la présence d’un club territorialisé, d’un cadre d’échange pour le partage d’expériences locales. Nous sommes déjà en relation avec plusieurs communautés voisines.