Pour introduire les débats, David Lestoux (Lestoux et Associés) est venu poser quelques grands repères en matière de dévitalisation urbaine. Face à cet enjeu, l’expert en stratégie territoriale a également souligné le rôle que la planification pouvait jouer – à condition qu’on la mobilise ! – pour traiter ou anticiper un mal aux multiples symptômes et donner de l’intelligence aux investissements.
La vacance commerciale en centre-ville est passée de 6% en 2010, à 13% en 2017 (Des estimations sont publiées par Procos et par l’Institut pour la Ville et le Commerce). L’augmentation rapide de la production de mètres carrés de commerce est souvent incriminée. Intense depuis 2008, cette croissance est en effet 6 à 7 fois supérieure à celle de la population, qui consomme par ailleurs de moins en moins dans les centres.
Sans exclure cette forte production de surface commerciale des causes de la vacance, David Lestoux suggère d’adopter une analyse plus large. Il souligne le très fort impact de la dilution des fonctions polarisantes, autrement dit de l’éparpillement territorial des services, équipements, et de l’offre de logements et d’emplois, alors qu’au contraire, la concentration de ces fonctions dans les polarités urbaines est nécessaire à l’attractivité de ces dernières. Beaucoup de centres médicaux ont par exemple été construits en périphérie, voire en dehors des villes. Et le commerce n’est pas seul à souffrir de ces choix d’aménagement : dispersé, l’habitat accuse lui-aussi des forts taux de vacance, atteignant parfois 20 à 25%. Dans le cadre d’un PLUi, le travail sur l’armature urbaine offre l’occasion pour les élus de se mettre d’accord pour concentrer les investissements sur les lieux rayonnants. Ainsi, se tisse un lien très fort entre planification et projets.
« Pour revitaliser un territoire, il faut un véritable urbanisme de projet »
Pour pallier à cette dispersion de fonctions dévitalisante pour les centres-villes, David Lestoux propose d’arrêter de mener les réflexions stratégiques thème par thème et suggère d’adopter au contraire une vision à 360°. Le bon réflexe ? Travailler un projet de revitalisation territoriale en réunissant 4 fonctions polarisantes : la fonction économique, pour conserver en centre-ville des fonctions d’emploi et d’échange ; la fonction identité, qui permet de créer un attachement et un sentiment de fierté ; la fonction habitat, pour proposer une offre de logement adaptée ; et la fonction services qui garantit la réponse aux besoins non-marchands des habitants. En d’autres termes, il s’agit de ne pas appréhender les problématiques du centre-ville uniquement à travers le prisme du commerce. Ou encore, après des décennies d’absence de ce sujet dans les politiques publiques, de se garder d’investir la question de l’aménagement commercial en oubliant que l’intensité urbaine résulte d’un équilibre entre plusieurs fonctions et qu’on ne peut aborder le commerce sans stratégie de peuplement, de mobilité, d’emplois. En cela, le PLUI fait figure de garde-fou.
Pour intervenir sur la revitalisation urbaine, le volet règlementaire du PLUi propose également des outils très pertinents. Il permet de promouvoir des périmètres de mixité fonctionnelle ou des périmètres de centralité en combinant différents thèmes : le commerce, l’accès au numérique, la mobilité, les typologies d’habitat, ou encore les équipements de santé. Il donne la possibilité de privilégier les centralités en tant que localisations préférentielles du commerce en s’appuyant sur la réutilisation des espaces libérés, l’interdiction du commerce de flux, la limitation de la consommation d’espace en périphérie, la définition de principes de conditionnalité entre centre-ville et périphérie ou encore de définir des typologies interdites hors centralités. Le PLUi permet aussi d’intervenir sur une meilleure prise en compte de la spécificité de l’habitat en centralité ou sur la localisation des équipements structurants.
Les PLUi réalisés à La Rochelle Agglo, Morlaix Communauté ou encore au Grand Angoulême, ont posé le sujet de la revitalisation urbaine sans y associer de règles contraignantes. Dans ces PLUi, l’élaboration d’une OAP centralité, multifonctionnelle (commerce, typologie d’habitat, équipements structurants, mobilités, accès au numérique), a nécessité des techniciens qu’ils identifient ensemble les fonctions adéquates pour les centres et guident les projets urbains qui y verront le jour. A La Rochelle, l’OAP souhaite revitaliser en partant des équipements médicaux, dont le PLU a été l’occasion de décider qu’ils ne pourraient être déportés à l’extérieur de la ville (un débat sur le déplacement de l’hôpital en périphérie pour en faciliter l’accès avait montré qu’il aurait fallu le remplacer par 3 000 habitants). L’OAP centralité préconise aussi un habitat collectif et des commerces de moins de 300 m² de surface. L’idée est de protéger la centralité, en allégeant et simplifiant la règle, fruit d’un juste équilibre entre contrainte et ouverture. Ces exemples montrent que la règle sur le linéaire commercial n’est pas l’outil unique que propose le PLUi en matière de revitalisation urbaine.
Ces expériences de PLUi mettent aussi en évidence l’intérêt de disposer d’une opportunité foncière pour entrevoir un projet et donc imaginer la règle. De fait, stratégie foncière et élaboration du document d’urbanisme trouvent un bénéfice à être conduits en parallèle.
Enfin, notre grand témoin suggère de s’inspirer du « center first » anglais (Institué par le National Planning Policy Framework, le "Sequential test" britannique oblige les projets d’implantation locale à passer une série de tests avant finalisation). Tous les projets commerciaux sont prioritairement fléchés vers un périmètre de centralité multifonctionnel. Densification et renouvellement urbain sont les premières options à considérer pour tout porteur de projet. Pour s’installer ailleurs, il faut justifier de l’épuisement des capacités foncières de la centralité et fournir une analyse d’impact (« Impact test » dont l’objet est d’évaluer les impacts négatifs potentiel du projet sur les équilibres locaux à 5 ou 10 ans).
Planifier la revitalisation : quelques bonnes pratiques à retenir
Définir des périmètres de centralité
- Identifier les disponibilités foncières dans la ville, et disposer d’un état des capacités de densification
- Etablir une gouvernance transversale entre planificateurs et techniciens du projet, et entre praticiens des différentes thématiques (habitat, services et équipements, commerces, développement économique, patrimoine et culture…)
- Encourager et sécuriser l’investissement en cœur de ville, s’inspirer pour cela du « center first » anglais.
David Lestoux préconise aussi de se référer à un triptyque qu’il juge essentiel : l’affirmation d’un projet, la protection du cœur de ville et la mobilisation des acteurs.